Du sport ? Plutôt crever !
La gym-panique : ne pas aimer le sport ou avoir honte de son corps ?
Est-ce que vous avez déjà eu envie de pleurer en plein cours de sport, parce que vous vous sentiez faible, nul·le voire humilié·e ?
Si oui, je pense que cet article va vous parler.
Dans le cas contraire, je vous invite à le lire en gardant l’esprit ouvert : ce que je vais raconter est peut-être loin de votre propre expérience du mouvement, et peut vous paraître exagéré, mais je garantis qu’il s’agit d’un truc tout à fait réel pour un (trop) grand nombre de gens.
J’ai toujours fait partie de celleux qui “n’aiment pas le sport”.
Pendant longtemps, je prétendais que c’était juste une histoire de goût. Une affaire de préférences individuelles. Le sport plaisait à certains, et pas à moi - voilà tout.
De façon assez paradoxale, j’ai toujours été en couple avec des personnes plutôt très sportives, et je les observais partir courir d’un œil mi-envieux, mi-moqueur : quel plaisir pouvaient-iels bien trouver à galoper sous la pluie ?
Mon truc à moi, c’était l’intellect. Lire, écrire, parler, penser. Le cerveau en ébullition, mais le corps immobile.
L’affaire était donc réglée ? Non, pas vraiment.
Même si je pouvais faire semblant, en public, de ne ressentir qu’une sereine indifférence à l’activité physique, j’étais bien obligée de reconnaître dans le secret de mes pensées que, si je ne faisais pas de sport, ce n’était pas parce que la pratique de toute activité physique m’ennuyait à en mourir, ou qu’aucune discipline ne m’intéressait.
Au contraire : dans l’idée, des tas de sports m’attiraient.
J’ai toujours adoré aller à la piscine ou danser, par exemple.
Le problème, c’est que depuis mon enfance, le sport a été synonyme d’infériorisation et d’humiliation.
A l’école, je faisais partie des élèves toujours choisi·es en dernier dans les équipes de sport, sans que je réussisse à déterminer si cette situation était davantage liée à mon absence de capacités athlétiques ou à ma légendaire impopularité. Il faut l’avoir vécu pour savoir ce que ce procédé du choix par les pairs emporte de cruauté, à un âge où la validation extérieure est absolument cruciale. Rassurez-moi, les profs de sport qui traînent par là : vous ne faites plus ça ?
Ce n’était pas tellement mieux dans ma famille de sportifs, où l’on m’infligeait des randonnées en haute montagne interminables et trop difficiles pour moi. Je ne sais pas si les marmottes qui passaient par là se souviennent encore de l’adolescente qui sanglotait d’épuisement et de frustration, vingt mètres derrière le reste du groupe, mais moi, je ne l’ai pas oubliée.
Devenue adulte, j’étais bien sûr soulagée d’avoir la liberté d’échapper à ces séances d’humiliation collective, mais ma liberté toute neuve s’est vite faite rattraper par une honte profonde et obsédante : celle de ne pas avoir “le bon corps”.
J’observais mes fesses et mes hanches avec consternation, sachant bien que ma paresse me condamnait à ne pas posséder une silhouette conforme à des standards de beauté auxquels j’adhérais avec l’énergie du désespoir. Je croyais dur comme fer que mon corps était un désastre et que ce désastre était entièrement de mon fait, pour ne pas avoir su me soumettre avec assez d’entrain aux abdos-fessiers prescrits par les magazines féminins avant l’été.
Mais quand j’essayais de “me mettre au sport”, selon l’expression consacrée, loin de ressentir l’euphorie et la plénitude qu’on me promettait, la honte ne faisait que redoubler.
J’avais beau choisir des cours pour adultes débutants, je me retrouvais toujours à devoir tenter de réaliser des exercices qui nécessitaient beaucoup plus de force, de souplesse ou de vivacité que ce que j’étais capable de fournir. Je faisais de mon mieux et j’essayais de suivre mais au bout d’un moment, je n’arrivais plus à contenir le sentiment de ma nullité et je finissais le cours la gorge serrée, les larmes au bord des cils, la voix chevrotante pour contenir mes pleurs. Je rentrais à la maison en me promettant de ne plus jamais m’infliger une torture pareille et en me flagellant pour ma faiblesse : pourquoi donc n’étais-je pas capable de juste faire “comme les autres “?
Je vois déjà les sportifs-à-l’aise du fond répondre : “l’important, c’est de participer, tu fais ce que tu peux et puis voilà, peu importe”.
Mais pour dire ça, il faut déjà avoir un certain degré de confiance en soi et de tranquillité avec son corps, ses sensations et avec ses limites. Il faut s’aimer assez, aussi. Et surtout, il faut ne pas avoir été traumatisé à répétition par des remarques, des œillades, des situations où une moindre aisance physique a été le prétexte de véritables humiliations.
Je sais bien que mon niveau de vulnérabilité en séance de sport est sans commune mesure avec les enjeux “objectifs”, mais je sais aussi que ça ne vient pas de nulle part.
J’appelle ça la gym-panique : quand je me trouve dans l’incapacité de suivre un cours de sport, ce qui m’envahit, ce n’est pas la légère frustration d’un adulte mais la panique d’un enfant qui se sent humilié et piégé.
Je vois la gym-panique comme une sorte de réactivation de dizaines, voire de centaines d'humiliations fondées sur l’absence de conformité au “standard” physique. Vous savez, c’est l’histoire de la goutte d’eau, et mon vase à moi est presque toujours déjà plein.
Je suis certaine que la gym-panique peut être renforcée, pour les personnes queers, par le caractère horriblement hétéronormatif d’un grand nombre de cours de sport. On attend souvent une certaine façon de se mouvoir et de se tenir de la part des participants, quelque chose de l’ordre de la performance de “la” féminité. Ok, il y a beaucoup de lesbiennes dans le foot, mais je vous garantis qu’un cours de danse n’est souvent pas tendre pour un corps de femme qui ne s’est pas totalement plié aux exigences de l’hétéronormativité. Symétriquement, mes tendres amis pédés ne gardent pas tous d’excellents souvenirs de leur pratique de sports collectifs bien connotés “vrais mecs”.
Outre une histoire compliquée avec les aspects “sociaux” de la pratique sportive, j’ai réalisé aussi que le mouvement me met en panique intérieure. C’est courant chez les personnes qui présentent un profil neuroatypique. Par exemple, c’est compliqué pour moi d’être essoufflée : en dehors de l’aspect purement physique, qui n’est déjà pas particulièrement plaisant, la sensation d'essoufflement provoque facilement chez moi un état d’anxiété important. Le cercle est évidemment vicieux : comme je panique vite, je pratique peu de cardio et, puisque je ne suis pas athlétique, je suis essoufflée très rapidement.
Pourtant, on a toustes besoin de mouvement.
Je suis convaincue que le mouvement est une composante importante, et même primordiale, d’une vie épanouie. Pas forcément le sport en tant que tel et encore moins des activités exclusivement centrées sur la conformité à des standards de beauté (oui, les abdos-fessiers, c’est de vous que je parle), mais le simple fait de bouger, dans les limites de ce que notre corps permet.
D’abord parce que bouger participe à la régulation de tout un tas d’hormones et de neurotransmetteurs, qui nous aident à ressentir plus de paix et plus de joie, mais aussi, plus profondément, parce que le corps reste notre principal outil de rencontre avec le monde.
Le mettre en mouvement, l’étirer, prendre soin de lui, pour moi c’est aussi reconnaître que la totalité de mon expérience vécue est d’abord corporelle, une forme d’hommage humble et d’ouverture sur l’altérité.
Quand je me sens bien dans mon corps, j’ai moins peur des autres.
Si j’écris tout ça, c’est justement parce que je suis persuadée que poser des mots, sortir de la honte d’un corps “qui ne sait pas faire”, c’est le premier pas vers la réconciliation avec le mouvement. J’ai mis des années à prendre conscience de ce qui se jouait en moi quand mon corps se mettait en mouvement, et à dépasser le récit naïf et insécure selon lequel “je n’aimais pas le sport” pour mettre à jour la honte et la culpabilité qui me paralysaient, assez littéralement.
J’espère participer à ce que d’autres fassent cette découverte.
Ne pas aimer tel ou tel sport, c’est totalement OK et on n’a pas toustes un corps fait pour courir vingt kilomètres (ni même trois).
En revanche, si vous clamez fièrement depuis des années que vous détestez le sport tout en sachant, tout au fond de vous, que vous vous sentez surtout terrifié·e, que vous avez été trop souvent humilié·e, mais que vous avez trop honte pour le dire, alors je vous invite à admettre pour vous-même que c’est ça, la réalité.
En attendant, je vous envoie, à vous et à votre corps, la tendresse sincère d’une gouine un peu gauche.
P.S. : pour des cours de yoga queer, vous pouvez vous abonner à @mila_practice, sur insta, qui propose régulièrement des séances à la Mut’ !
incroyable, c'est tout à fait moi... au delà de tout ce que qui est dit ici, et que je partage, j'ai decouvert 2 choses :
que certain-es secretent de la dopamine, ou des endorphines, je ne sais pas trop, après un effort physique : celles et ceux qui repetent "comme je me sens mieux" à la sortie du cours de gym ne sont pas en train de faire de la methode Coué à fond les ballons ! iels sont sinceres ! j'ai mis du temps à le croire ! moi après le sport, je suis juste crevée ! mon cerveau n'est pas leur cerveau !
il y a aussi la question des progrès : quand on progresse, on est satisfaite...moi, mes petits progrès,, dans le sport, ils ne se voient pas, et je ne ressens donc pas cette satisfaction... ce serait pareil pour un lanceur de poids qui voudrait faire de la danse classique,... c'est pas qu'il n'est pas sportif... mais il ne progresse pas vite...ce n'est pas vraiment la bonne personne dans le bon sport...
je deduis qu'on a interet à choisir des sports qui nous apportent d'autres types de satisfactions, par exemple la marche, pour le rapport à la nature, ou à la ville... on peut en trouver d'autres...certains types de danse, très cool, pour le rapport à la musique,... et plus tard on verra !