Ecrire un premier roman : "Il faut aller au bout d'une première version"
Entretien avec Pauline Gonthier, autrice des Oiselles sauvages
Pauline Gonthier est l’autrice d’un premier roman remarqué, Les Oiselles sauvages (2021, éd. Julliard, 18 euros) qui entremêle deux trajectoires de femmes tout en retraçant l’évolution des luttes féministes depuis cinquante ans.
C’est un très beau livre, qui évoque avec finesse les devenirs lesbiens et qui est difficile à lâcher : on le dévore en quelques heures.
Je voulais vous en parler depuis longtemps. Je voulais aussi aborder les enjeux liés à l’écriture d’un premier roman.
Alors je me suis dit que le mieux, c’était encore de discuter avec Pauline Gonthier de son processus d’écriture.
Elle a accepté de répondre à mes questions avec une honnêteté rare et, si vous avez déjà caressé le rêve d’écrire un premier roman, je pense que cet entretien devrait vous donner quelques clés.
Merci à elle, et bonne lecture à vous !
Depuis quand écris-tu ?
Depuis longtemps ! J’ai commencé très tôt à écrire des chansons. Je jouais de la guitare et ce que les gens faisaient à la télé, avec une guitare, c’était de chanter : logiquement, ça m’a paru une bonne idée d’écrire des chansons. Et puis, j’ai toujours fait partie de groupes de musique.
En revanche, je n’ai jamais écrit de journal intime : j’ai essayé, mas je n’ai jamais tenu plus de deux jours.
Les chansons avaient l’avantage d’être une forme courte et accessible. J’adorais en écrire et je le fais encore parfois, par exemple si je m’ennuie dans le métro.
A 8 ans, j’avais déjà essayé d’écrire un roman, qui devait faire… deux pages.
D’ailleurs, petite, je disais que je voulais être écrivain (et policière… ça m’est passé !). Il y avait un truc qui me plaisait, qui m’attirait là-dedans, alors même que je n’étais pas vraiment passionnée par la littérature. Je lisais des livres à l’école, j’aimais ça, mais je ne passais pas non plus mon temps à dévorer de grands auteurs.
Par la suite, j’ai beaucoup aimé l’étude des lettres, mais plus tardivement, en prépa.
Comment tu en es venue à écrire ton premier roman ? Après celui de tes 8 ans, je veux dire ?
A vrai dire, je ne sais pas trop pourquoi !
Peut-être parce que les conditions matérielles s’y prêtaient : je passais mon mois d’août face à mon ordinateur, au travail, et je n’aimais pas mon boulot à cette époque. Quitte à être coincée derrière mon ordi, j’ai eu envie de faire un truc qui m’intéressait et m’importait.
Cet été-là a été contemporain d’une découverte sur l’histoire du féminisme. Ça devait faire trois ou quatre ans que j’étais avec des femmes. J’ai écouté un podcast de Christine Delphy qui racontait le MLF (Mouvement de Libération des Femmes, NDLR) dans les années 1970 et le rôle que les lesbiennes y ont joué. J’ai fait des recherches sur internet et je n’ai pas trouvé grand-chose.
Je me suis dit qu’il y avait une histoire hyper intéressante, dont je n’avais jamais entendu parler, et qui trouvait énormément de résonnances avec ce que l’on vivait dans le féminisme à ce moment-là. Donc ça m’a paru évident qu’il fallait le raconter. Et je me suis lancée.
Comment ça s’est passé ? C’était facile, difficile, laborieux ?
A la fois facile et difficile, je dirais.
D’un certain point de vue, c’était assez facile de l’écrire parce que j’avais l’habitude d’écrire et que j’aime ça.
Et j’avais l’idée de la forme, ce qui me facilitait la tâche : je voulais construire deux histoires alternées. Je connaissais toute la chronologie des événements historiques que je voulais raconter. J’avais aussi en tête le chemin d’une des deux intrigues. Je n’étais pas tétanisée ou complètement perdue.
Après, il y a toujours quelque chose de difficile quand on écrit. Je lisais ça aujourd’hui : écrire, c’est conduire dans la nuit avec des phares allumés. Tu ne sais pas exactement ce qu’il y a autour, mais tes phares te permettent d’avancer.
Concrètement, comment tu t’es organisée pour avancer dans l’écriture ?
J’ai écrit par petites phases de 3 jours pendant lesquelles je ne faisais que ça : les vendredi, samedi et dimanche, 8 heures par jour, j’écrivais. Je posais un jour de congés le vendredi pour pouvoir le faire. J’ai dû faire ça 4 ou 5 fois pour avoir une première trame. C’était de l’écriture en continu.
Je ne sais pas du tout écrire une heure ici, deux heures là. J’ai besoin de gros blocs d’écriture.
Ensuite, j’ai fait relire le roman a des gens, dont ma copine. Ça a permis un premier retravail.