On est le 7 octobre aujourd’hui.
Ça fait 2 ans que le Hamas a attaqué Israël, tué environ 1200 personnes et pris en otage 251 civils.
Ça fait également 2 ans que l’Etat israélien mène, avec le soutien explicite ou implicite de presque tous les pays du Nord global, une politique génocidaire d’une brutalité et d’une abjection sans nom à l’encontre des Palestinien.nes, en particulier les personnes qui vivent à Gaza.
Et ça fait bien plus de 2 ans que l’Etat israélien organise et encourage le vol des terres palestiniennes.
Bien plus de 2 ans que les populations palestiniennes subissent violences et humiliations quotidiennes, arrestations arbitraires, emprisonnement et tortures.
D’après les chiffres de l’ONU, de 2008 au 6 octobre 2023 – avant les attaques du 7 octobre 2023 :
6342 personnes palestiniennes ont été tuées par Israël ,
377 personnes israéliennes ont été tuées sur la même période.
Depuis le 7 octobre, plus de 60 000 personnes palestiniennes ont été tuées par Israël, dont plus de 80% de civils d’après les chiffres israéliens eux-mêmes.
J’écris ces chiffres et aussitôt j’ai envie de tout effacer.
Il y a un point où l’arithmétique ne veut plus rien dire.
Une vie est une vie. Précieuse et unique.
Si j’ai ce réflexe de citer des nombres malgré tout, c’est dans l’espoir sans doute vain qu’on ne vienne pas m’expliquer à quel point je n’ai rien compris.
Car à chaque fois que je parle de la Palestine – à chaque fois – des gens m’écrivent pour me dire : “oui, mais…”.
Je ne comprends plus comment on peut encore “débattre du conflit israélo-palestinien”, ni comment tant de personnes utilisent encore le mot de “guerre” pour désigner le génocide.
Je ne saisis pas non plus comment on peut répéter “au fond tout le monde est d’accord, tout le monde veut la paix” comme si le mot “paix” était univoque, ne nécessitait pas qu’on en définisse soigneusement les conditions et les prolongements.
L’attitude “il y a des torts des deux côtés” est indécente.
Ce serait un argument sans doute valable si on se trouvait dans une cour de récré et que Célestin se plaignait que Victoire lui a piqué son stylo 4 couleurs (et encore).
Mais là, on parle de dizaines de milliers de personnes civiles mortes dans des circonstances abjectes, et de milliers d’autres qui sont emprisonnées et torturées sans aucune preuve ni aucune procédure judiciaire, d’enfants qui meurent de faim.
Israël a tué plus de 200 journalistes palestiniens dans les 2 dernières années – 200 – alors qu’il est en principe évidemment interdit de le faire.
Israël a bombardé de nombreuses écoles et hôpitaux au mépris du droit international et de la décence la plus élémentaire.
Israël a intimidé violemment les voix qui s’élèvent pour dénoncer ses actes.
En plus de toutes les horreurs qui se déroulent à Gaza, Israël a accéléré la colonisation violente et illégale de terres en Cisjordanie et a procédé à des arrestations massives et arbitraires de personnes palestiniennes.
Et Israël continue de le faire, dans l’impunité pour l’instant.
Tout en dépensant des sommes folles dans une propagande destinée à nous faire croire que son armée est morale et qu’il s’agit d’un Etat de droit.
Je ne me suis jamais réjouie des attaques du Hamas.
Les personnes qui les ont célébrées sur le mode “pas d’omelette sans casser des œufs” se trompent très gravement, à mon sens.
Le Hamas est une organisation profondément antisémite. Je n’ai aucune affinité politique avec son programme et ses discours.
Quelle absurdité que de devoir faire cette précision à chaque fois que je veux évoquer le génocide palestinien. Mais puisqu’on en est là, je le fais.
Néanmoins, toute personne dotée d’un soupçon d’honnêteté intellectuelle doit reconnaître que ces attaques n’ont pas surgi de nulle part.
La violence est très largement commise et encouragée par l’Etat israélien sur les populations palestiniennes depuis des décennies.
Je le dis aussi, comme je l’ai dit à chaque fois que j’aborde le sujet : oui, il y a des personnes antisémites qui se cachent derrière l’antisionisme.
L’Europe est traversée par l’antisémitisme.
Toutes ses classes sociales et tous ses courants politiques.
Il y a une raison pour laquelle le génocide des personnes juives a pu se dérouler de façon aussi efficace en Europe tout récemment, il y a moins de 100 ans : c’est parce qu’une grande partie des populations européennes non-juives étaient extrêmement antisémites.
Cet antisémitisme ne s’est pas magiquement évaporé.
L’antisionisme n’y échappe pas.
Il faut en parler.
Et ça n’invalide absolument pas le caractère atroce des actions menées par Israël, dont le but est clairement annoncé : annihiler la population palestinienne.
Ce que nous voyons sur nos écrans dépasse les mots, rend absurdes les chiffres.
Alors voilà, on est le 7 octobre et il me semble que si on a les yeux et le cœur ouverts, ce jour ne peut être qu’un jour de deuil.
Je vous propose, en ce jour de deuil, 3 actions pour les Palestiniennes :
Si vous souhaitez faire une action concrète et immédiate, achetez des e-sim pour les personnes palestiniennes : cela leur permet de continuer à accéder à Internet, c’est-à-dire de communiquer avec les gens qu’iels aiment, et de témoigner autant que possible de ce qu’elles vivent. C’est d’autant plus important qu’Israël élimine méthodiquement les journalistes. Vous pouvez faire un don en espèce ou en nature ici.
Si vous avez entendu parler du mouvement BDS (Boycott, Divest, Sanctions) mais que vous êtes un peu perdu.e sur les cibles et la façon dont ça fonctionne, prenez 5 minutes pour vous renseigner . Vous pourrez boycotter efficacement pendant vos prochaines courses.
Si vous aimez écrire, Sarah Fouilloux et Elodie Maury organisent un marathon d’écriture le 19 octobre pour lever des fonds : 4 ateliers d’écriture animés par une variété de personnes, dont je fais partie, en échange de dons qui seront reversés par nos soins à des cagnottes et assos d’aide aux personnes palestiniennes. Notez-le déjà dans votre agenda et rejoignez-nous le 19 octobre. Je vous en dirai plus, très prochainement, sur les modalités d’inscription.
Bien sûr, il y a mille autres façons d’aider.
Je vous propose celles-ci parce que je sais que souvent, la multiplication des options crée de la confusion et de la paralysie.
Je vous invite à choisir une action et à la mener.
Je compte sur vous.
Et pour la joie de la semaine, je vous propose un article de Mediapart.
En ce moment, j’ai besoin de cultiver la joie.
Alors chaque mardi, avant ou après la chronique du jour, je vous raconte quelque chose, quelqu’un, un moment précis qui m’a fait du bien.
Il parle de la façon dont, dans plusieurs pays européens, des dizaines de milliers de personnes ont cessé le travail ou manifesté la semaine dernière en soutien à la Palestine.
Il me donne de l’espoir, et l’envie de continuer la lutte.
🙏
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