chaudière en panne
Lutter contre l'anesthésie du cœur + slides de l'atelier d'écriture "Prendre refuge"
Pour accéder directement aux slides de l’atelier d’écriture “Prendre refuge”, scrollez l’email jusqu’à la toute fin.
La semaine dernière, pendant quelques jours, la chaudière de l’immeuble où j’habite était cassée.
Kaputt.
Plus d’eau chaude et plus de chauffage. En plein hiver berlinois.
Les premières 24 heures, ça allait. Ensuite, la température dans l’appartement a chuté et, malgré les couches de vêtements, la bouillotte et le bonnet, le pincement du froid ne partait jamais.
Déjà, rien que ça, c’était embêtant, mais en plus, cette panne est survenue alors que B. se traînait un mauvais rhume qui le clouait au lit.
L’air glacial ne l’a évidemment pas aidé·e à se remettre et j’ai observé sa toux empirer avec inquiétude.
J’ai l’impression que ma capacité d’empathie est écornée, en ce moment.
On entend et on voit tellement d’horreurs sur ce qui se passe en Palestine, au Congo, en Ukraine, dans nos rues, qu’il en faut de plus en plus, dans les actualités, pour me choquer.
Quand on compte les morts par dizaines de milliers voire, dans le cas du Congo, par millions, je trouve extrêmement difficile d’appréhender cette réalité, moi qui n'ai eu à faire le deuil que de mes grands-parents, moi qui n'ai jamais souffert de la faim, moi qui suis née du côté protecteur de la blanchité, de la classe sociale et des frontières.
Le décalage est trop grand entre ma vie et les tragédies qui se déroulent sur l’écran de mon téléphone. J’ai l’impression qu’on me demande de soulever un camion à la force de mes petits bras d’intello chétive.
N’est pas Hercule qui veut : au fil des sollicitations démesurées, mon cœur se tétanise.
Alors je me dis que cette chaudière cassée, c’était peut-être une corde de rappel.
Cette panne toute bête et sans réelle gravité m’a rappelé à quel point tout est fragile, tout ne tient qu’à un fil. Elle m’a secouée, tirée de ma torpeur.
Ce n’était rien du tout, sur la grande échelle des catastrophes de la vie, et pourtant c’était déjà vraiment très ennuyeux.
Ce que ce petit souci m’a utilement rappelé, c’est qu’il n’y a pas besoin que ce soit le truc le plus grave pour que ce soit déjà réellement grave.
Il suffit que la température de votre logement descende de quelques degrés pour que votre qualité de vie chute très nettement. Pour qu’un petit rhume sans importance prenne des proportions plus préoccupantes.
Je crois sincèrement que dans nos sociétés européennes, on vit dans un tel confort qu’on ne mesure pas à quel point il est fragile, ni à quel point il est précieux.
Je ne dis pas ça pour minimiser nos difficultés.
Ni pour qu’on se force à une espèce de fausse positivité sur le mode : “finis ton assiette, il y a des enfants qui meurent de faim”.
La psyché humaine ne fonctionne pas comme ça. Pas la mienne en tout cas.
Au contraire : ce que je me dis, c’est que pour lutter contre l’anesthésie du cœur, on doit rester connecté·es à tout ce qui est moins grave que des massacres…
mais déjà grave.
Quand je n’arrive plus à ressentir quoi que ce soit devant un nombre de victimes tellement élevé qu’il ne signifie plus rien pour moi, je peux continuer d’avoir de l’empathie pour le froid. Pour la solitude. Pour la peur. Pour la fatigue. Pour la maladie qui traîne et épuise.
Oui, alors qu’on compte les mort·es avec un détachement croissant, je voudrais rester attentive à tout ce qui se passe, à Gaza et ailleurs, et qui est moins grave, mais déjà trop.
Alors bien sûr, pour nous, ici, l’histoire se finit bien.
Après une poignée de jours à frissonner, harceler notre propriétaire et nous renseigner sur nos droits, le chauffage est revenu.
Je ne peux pas vous décrire la joie de toucher un radiateur tiède, ni le bonheur absolu d’une douche bouillante ou – ce qui m’a le plus surprise, vu qu’en général je déteste cette tâche – le plaisir pris à faire la vaisselle avec de l’eau chaude.
(MMMmmmmmmhhhh. Pur délice.)
Oui, pour nous, l’histoire se finit bien.
(B. n’est pas encore tout à fait remis·e, mais iel passe les fêtes de fin d’année en Espagne et j’ai bon espoir que la lumière et l’amour de sa famille finissent de le remettre sur pied.)
Mais je sais que, pour tant d’autres, l’histoire est loin d’être finie et loin d’avoir – pour l’heure – un dénouement heureux.
Alors continuons de nous battre, d’alerter, de boycotter, de donner de l’argent quand on le peut.
Ne pas excuser le mal par le pire, dit le proverbe.
Ne pas oublier le mal à cause du pire, je pourrais ajouter.
Merci la chaudière cassée. Tu as réveillé mon cœur tout engourdi.
P.-S. : on le sait, les camions humanitaires entrent au compte-gouttes à Gaza, ou plus exactement ne rentrent pas.
En revanche, il y a un truc qu’on peut acheter et faire parvenir sans camion : du réseau Internet.
Les gens sur place en ont désespérément besoin pour pouvoir parler avec leurs proches, se tenir au courant de ce qui se passe et témoigner sur la tragédie qu’ils subissent.
Zazem (créatrice de contenu et militante antiraciste) a lancé une initiative pour acheter des eSim qui sont ensuite transférées à des personnes sur place.
C’est utile, ça prend 5 minutes et ça ne coûte pas très cher : en ce moment, le forfait de 3 Giga coûte seulement 10 euros (12 dollars).
Intéressé·e ? Toutes les infos et le mode d’emploi se trouvent juste ici :
P.-P.-S. : je ne relaie que des cagnottes/initiatives solidaires/appels de don auxquels j’ai moi-même personnellement participé. Just so you know.
Si vous aussi vous avez besoin de réveiller votre cœur, pas la peine d’attaquer votre chaudière à coup de barre de fer :
pratiquez plutôt l’écriture introspective.
Les slides de l’atelier d’écriture de jeudi dernier, sur le thème “Prendre refuge”, sont accessibles en cliquant juste ici :
La présentation contient une amorce d’échauffement puis deux exercices d’écriture : un plutôt sur le plan introspectif, l’autre sur le plan créatif. Bref, il y a de quoi faire disons ;)
Pour info, je voulais initialement vous proposer une vidéo de replay mais j’ai raté l’enregistrement Zoom : j’avais promis aux participant·es qu’iels n’y figureraient pas et, patatras, leur visage apparaît bien dans la vidéo.
Donc je vous partage uniquement le support de présentation pour cette fois (et je potasse des tutos Zoom pour faire mieux le prochain atelier).
Merci pour les slides Louise !! J'espère que tu auras envie de reproduire ce format d'atelier, j'étais très tentée mais malheureusement pas disponible... je croise les doigts pour la prochaine fois :) belles fêtes à toi et toustes celleux qui passent par ici !
Coucou Louise ! Merci pour cette newsletter, toujours trop chouette. Je connecte tout à fait à cette idée de liens entre les horreurs et rester attentifve à ce qui moins grave, mais qui compte quand même (pour nous mais aussi pour nos proches!!).
Je profite de cet espace commentaire pour passer un appel à l'aide concernant les E-sims pour Gaza. J'en ai acheté une il y a presque dix jours et je n'ai pas réussi à la charger sur le formulaire, j'ai un message d'erreur que je n'arrive pas à résoudre. Lire ta newsletter m'a donné une motiv pour réessayer mais même chose. Est-ce que qqun qui me lit saurais m'aider? En gros quand j'essaie de charger la capture d'écran du QR code, j'ai ce message d'erreur:
AwsS3/Multipart: Could not read the ETag header. This likely means CORS is not configured correctly on the S3 Bucket. See https://uppy.io/docs/aws-s3-multipart#S3-Bucket-Configuration for instructions. Ça me fait m'arracher les cheveux !!
Bonnes fêtes à toustes, et merci Louise !