On est déjà en février. Dans moins de dix jours, c’est la Saint-Valentin.
Je sais que les avis divergent sur cette fête.
D’un côté, celleux qui exècrent son consumérisme et sa normativité (ériger le couple hétéro stable et cohabitant comme l’objectif de vie absolu – bof, non merci).
De l’autre, l’équipe des gens qui trouvent que ça a quand même un certain charme et qui se fendent d’une carte pour l'élu·e, ou les élu·es, de leur cœur.
En ce qui me concerne, même si je vois bien que c’est globalement une supercherie capitaliste destinée à me faire acheter des trucs du fin fond de ma dépression saisonnière, je n’arrive pas à détester cette journée.
Après tout, fondamentalement, c’est l’occasion de célébrer l’amour.
Du mariage le plus cucul à la rave la plus défonce, une fête c’est toujours se rassembler, et réaffirmer la valeur d’un truc qu’on a en commun. Quitte à célébrer quelque chose, je me réjouis que l’on célèbre l’amour.
Je suis toute prête à hijacker la Saint-Valentin pour bazarder l’option “offrir du parfum trop cher à la meuf que tu trompes” et la transformer en occasion de fêter nos amours foutraques sous toutes leurs formes, leurs expressions et leurs nuances.
Peut-être qu’une partie de mon attachement à la Saint-Valentin vient aussi du fait que j’ai été exclue pendant quelque temps du “grand marché à la bonne meuf” et que j’ai sincèrement eu peur de ne jamais faire partie de celleux qui pourraient avoir le choix de la fêter ou pas, de celleux qui disent avec un air blasé “naaaan, nous on s’en fout de ça, notre amour c’est tous les jours”.
Ado, au lycée, j'étais le genre de meuf qui n’est pas invitée aux soirées, le genre de fille que les mecs ne calculent pas (et l'idée du lesbianisme ne m’effleurait alors même pas). J’avais des lunettes, des boutons, les cheveux souvent gras et je soupçonne qu’au-delà de ce physique peu flatteur, mon profond malaise dès qu’il s’agissait d’interagir en groupe n’arrangeait pas les choses.
Du coup, je m'inquiétais beaucoup de ne jamais avoir de “petit copain” et je répétais à qui voulait l’entendre que je serais sûrement célibataire toute ma vie faute de prétendants, comme si c'était la pire chose qui puisse m’arriver.
Bref, je rêvais secrètement qu’on s'intéresse à moi ce jour-là.
Que moi aussi, enfin, je puisse me sentir intégrée au grand jeu de l’hétérosexualité.
Je désirais plus que tout être validée par le regard masculin, fut-ce celui d’un adolescent gauche et incertain.
Ça a fini par arriver, en terminale.
Un garçon m’a signalé son intérêt en m’offrant une fleur. Pas n’importe laquelle : une énorme rose rouge hyper kitsch de dessin animé. La tige faisait littéralement la moitié de ma taille, et je suis grande. J’imagine que Dieu avait entendu mes prières et qu’Elle était d’humeur blagueuse.
(La situation n’avait pas changé côté lunettes et cheveux gras, mais le garçon en question était un autre premier de classe avec une passion beaucoup trop poussée pour les problèmes de maths, sa nerdiness annulant en quelque sorte la mienne).
J’exultais intérieurement.
Évidemment, je n’ai rien montré de ma joie et j’ai sobrement commenté qu’offrir une rose c'était bien trop convenu.
Moi, en fait, je n’aimais que les orchidées.
J’ignorais à l'époque que ce commentaire dicté par la gêne me vaudrait, par la suite, une flopée d’orchidées à la moindre occasion. Car oui, le type s’est quand même accroché pendant plus d’un an après l’épisode je-t’engueule-parce-que-tu-m’offres-une-rose (franchement : A for effort).
Au total, un peu par loyauté envers cette ado insécure et obsédée par le fait de trouver un amoureux, un peu parce qu’il fait gris et que j’ai besoin de bons sentiments, et beaucoup parce que c’est un sujet dont je ne me lasserais jamais : le mois de février sera, dans cette newsletter, placé sous le signe de l’amour.
Dans les semaines à venir, vous pouvez vous attendre à :
Trois livres pour repenser l’amour (et rassurez-vous : non, ce ne sont pas des meufs cis blanches et bourges dans mon genre qui les ont écrits, je sais qu’on sature collectivement de nos discours) ;
Un atelier d'écriture sur le thème du désir et du plaisir, qui se tiendra le 19 et le 21 février - les inscriptions seront ouvertes tout bientôt ;
Une interview avec une meuf formidable à propos d’amour de soi, de racisme et de grossophobie – oui oui, tout ça à la fois ;
Une chronique ou il sera question de l’articulation délicate entre insécurité, besoin de validation et amour véritable (vaste programme, n’est-ce pas ?) ;
Un exercice d'écriture audio pour faire palpiter votre cœur.
Et d’autres petites surprises.
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Haut les cœurs, camarades !
Avec amour,
Louise
P.-S. : avez-vous écouté l’épisode d’Un Podcast a soi sur les désirs lesbiens, “Nos désirs font désordre” ? Faites-le, et remerciez-moi ensuite :)
Fait...et remerciements maintenant !
www.arteradio.com/son/61675404/nos_desirs_font_desordre
J'ai réalisé que j'avais lancé l'écoute de cet épisode il y a qq temps, complétée ce matin donc finalement << je suis allé•e jusqu'à 64>> , mais dans un sens heureux (le message politique sous - jacent vient de passer, même si il s'agit ici de minutes et non d'années).
Ouuii, l'injonction hétéronormative est hautement questionnable !
Sursum corda , това́рки & това́рищи
(= camaradEs & camarades)