"Ne pas être créatif, ça n'existe pas"
Dixit Nathalie Sejean. Entretien avec un électron libre et joyeux
Roulements de tambour : c’est la première interview que je publie dans la newsletter.
Nathalie Sejean a pris un peu de son précieux temps, en beau milieu d’une résidence de création, pour qu’on discute créativité.
Celleux qui suivent son travail ne seront pas surpris·es : iels savent que Nathalie Sejean défend, avec générosité, la créativité dans son sens plein.
Après ma dernière chronique sur ce sujet, j’ai donc eu tout naturellement envie de prolonger la réflexion en conversant avec elle et je suis ressortie de notre discussion gonflée à bloc.
A votre tour d’entrer dans la danse, joyeuse et résolue, de Nathalie Sejean !
En début d’interview, il est de coutume de présenter à grands traits la personne qu’on a en face de soi. Je dois dire que tu ne me facilites pas la tâche ! C’est dur de résumer ton travail tant il déborde d’idées et de formats. Tu fais des films, des audio fictions, des livres, tu dessines, tu produis un super podcast qui s’appelle “Faire”, tu es active sur Instagram, tu proposes des ateliers et tu écris deux newsletters…
Alors je vais t’emprunter tes mots. Toi, tu te décris comme quelqu’un qui fabrique des histoires.
Comment es-tu devenue une fabriqueuse d’histoire ?
C’est une façon de parler de moi qui m’est venue a posteriori, en jetant un regard rétrospectif sur mon parcours.
Au départ, comme tout le monde, je me suis dit que je devais me trouver un métier bien défini, un métier qui paie.
Je rêvais d’être réalisatrice de films quand j’étais adolescente, parce que j’adorais les films.
J’étais passionnée par la fiction : c’est la fiction qui m’a permis, depuis ma ville de province, d’avoir accès au monde, de commencer à le comprendre et de développer mon empathie. On n’avait pas internet à ce moment-là et les œuvres de fiction étaient presque nos seuls ponts vers le reste de l’univers.
Je voulais donc faire des films mais je ne savais pas comment faire, et d’ailleurs pour être honnête je ne savais pas bien comment marchait le monde. Je ne savais pas du tout ce que ça voulait dire, “être réalisatrice”, et ce que ça impliquait concrètement.
Tout ça a concouru à ce que je ne prépare pas avec beaucoup de soin la suite de ma vie après le bac, sachant que factuellement mes options étaient limitées : le cinéma n’était pas enseigné dans mon lycée, je n’avais aucun contact dans ce milieu et pas la possibilité de me payer une école privée.
J’ai fait un DUT métier du livre et je suis devenue libraire.
Mais l’envie de faire des films ne m’a jamais quittée et, à 25 ans, j’ai décidé de déménager à Los Angeles pour y faire du cinéma.
Une fois sur place… j’ai fait du cinéma.
Cependant, je suis restée incapable d’obéir au déroulé prescrit, de me restreindre à un seul mode de création. On pourrait dire que j’ai fait des choix pas stratégiques. On pourrait aussi dire que mon subconscient m’a toujours empêchée de devenir un bon petit soldat.
Or, pour être réalisatrice, pour vivre de ce travail, il faut pitcher en respectant les règles du jeu, il faut accepter de réaliser des films publicitaires – très peu de gens vivent de la fiction pure – bref, il faut obéir à un système.
Le résultat, c’est que j’ai fini par accepter que je ne peux pas renoncer à certaines choses. J’ai un besoin immense de me sentir vivante et pour moi cela passe par m’étirer dans ma créativité. J’ai besoin de varier les plaisirs. Je ne peux pas obéir à un système et m’en faire le rouage.
Je refuse de rentrer dans une case et je suis prête à en payer le prix.
Il y a un concept qui revient très souvent et que j’ai trouvé utile dans mon propre parcours : le “shit sandwich”. Je crois qu’Elisabeth Gilbert en parle dans son livre Big Magic et qu’elle le reprend elle-même de quelqu’un d’autre.
Bref, le shit sandwich, c’est l'idée qu’il y aura toujours des trucs très chiants dans le métier et dans la vie que tu te choisis. L’idée ce n’est pas de refuser ce shit sandwich, mais d’en sélectionner un qui te paraît tolérable, que tu es capable de manger.
Le shit sandwich que je me suis choisi, c’est de bénéficier d’une protection sociale encore amoindrie, c’est de peiner encore plus à faire comprendre ma situation aux gens qui m’entourent et d’en pâtir. Le fait de refuser de rentrer dans une case rend mon identification plus difficile par les gens avec lesquels je pourrais travailler, et cela signifie qu’on m’offre moins souvent des opportunités.
Mais il se trouve que je préfère ça à l’alternative.
Ca va peut-être sonner de façon un peu prétentieuse, mais je suis incapable de renoncer à l’envie d’être une multitude. Je veux participer à la création du monde dans lequel on vit, et pas juste rester assise à consommer des histoires écrites par d’autres.
Bon, je viens de te faire un vrai monologue, je suis désolée !
Au contraire, ça me va très bien !
Si j’essaie de trouver un fil rouge a ton travail, il me semble que ce serait la portée politique de la créativité, au sens noble du terme : tu dis en somme que fabriquer des histoires, c’est contribuer à changer le monde. C’est une idée très radicale je trouve ! Par les temps qui courent, on pourrait se dire que faire des histoires, ce n’est pas sérieux, qu’on perd notre temps…
Tu pourrais nous en dire un peu plus à ce sujet ? Pourquoi c’est si important de créer des histoires et de les raconter ?
En réalité, je ne défends pas tant la fabrication d’histoires au sens classique du terme que la créativité elle-même, sous toutes ses formes.
Dans l’atelier sur la créativité que je propose, la partie théorique traite justement de cet aspect. Ce que j’essaie de dire aux gens, c’est : ton existence est une créativité en elle-même. “Ne pas être créatif·ve”, ça n’existe pas. Peut-être que tu n’as pas appris à dialoguer avec ta créativité et à l'exprimer, mais tu as cette aptitude. On l’a tous·tes.
En nous faisant croire que seules les personnes artistiques sont créatives, en nous convainquant que la créativité se résumait à la production d'œuvres culturelles, on a convaincu les gens d'arrêter de participer à la création du monde dans lequel on vit. On nous a déconnecté de notre individualité créative.
Mon objectif, c’est de contribuer à reconnecter les gens à leur créativité, dans une acception beaucoup plus large et d’une certaine façon beaucoup plus simple, beaucoup plus immédiate de ce mot.
La créativité pour moi, c’est le simple fait de prendre une information et ne pas se contenter de l’emmagasiner. C’est décider de repartager ce qui nous a été donné sous une forme qui nous appartient, que l’on choisit.
Quand je dis que je veux que les gens reconnectent avec leur voix créative, je dis que je veux qu’ils s’expriment comme ils sont, comme ils pensent, comme ils ressentent. Je n’entends pas la créativité comme le moyen de réaliser une production palpable. On a complètement confondu créativité et productivité. Je ne résume pas du tout la créativité à la production d’une œuvre culturelle, d’un bouquin, d’un film…
C’est difficile à résumer rapidement.
En gros, je pense qu’il y a deux niveaux de lecture.
Le premier niveau, c’est celui de la joie. Moi, ce qui me motive à encourager les gens à écouter ce qu’ils ressentent et ce qu’ils pensent, c’est que ça me rend heureuse de vivre de cette façon. Alors, pourquoi ne pas le partager avec les autres ? Je pense que vivre en étant connecté à sa créativité, c’est qui nous aide à nous sentir vivant·es.
Le deuxième niveau se joue sur un autre plan. Je crois que notre fonction en tant qu'êtres humains c’est de vivre dans le monde et d’y participer. Je pense que les êtres humains voient des possibilités là où les autres espèces ne voient que des informations et que cette capacité est précieuse. Tous les êtres humains ont ce don d’imaginer, de créer, sans exception.
Or, un tout petit groupe de gens a pris le leadership sur la création et s’est arrogé le droit de décider des histoires au sein desquelles on vit. Ils sont extrêmement efficaces ; ils ont fait un excellent travail pour nous transformer en soldats. Mais est-ce que l’on veut vraiment du monde qu’ils proposent ?
Moi, je ne suis pas enchantée par le monde qu’ils créent, alors je tente d’entrer en dissidence et j’essaie de planter des graines de révolution.
Il se trouve que la violence c’est pas trop mon truc, je suis un être plutôt appelé vers le plaisir. Les graines que je plante sont pleines de ce plaisir-là, le plaisir de créer et de se sentir vivant·e.
Je me dis que, si on arrive à réveiller le plus de gens possible, si on a un milliard de gens qui utilisent leur voix créative, on résistera plus efficacement au monde que l’on nous propose.
Est-ce qu’il y aurait quelque chose de l’ordre de l’authenticité, de la sincérité, dans la créativité comme tu l’entends ?
Je ne sais pas. Ce sont de très grands mots.
Disons qu’il y a une notion de participation. Une notion de générosité, de prise de risque. La créativité c’est un élan, c’est accepter de mettre en position de vulnérabilité, c’est offrir quelque chose qui sera peut-être rejeté.
On est dans un monde où on cherche tout le temps le retour sur investissement. Si on a besoin d’une utilité, si on a besoin d’un produit tangible à la fin, on arrête de faire.
C’est lié aussi à tous nos discours culturels autour de la figure du Sauveur, de l'Élu. On ne voit que ça partout, dans les films, dans les livres, un Élu qui sauve le monde. C’est dévitalisant au possible. On se dit, assez naturellement : s’il y a un Élu et que ce n’est pas moi, alors je n’ai rien à faire. Je vais laisser l’Elu faire son travail !
On nous donne l’impression qu’il y a un spot et un seul, braqué sur une personne et une seule. Si tu n’es pas sous la lumière de cet unique spot, tu es réduit·e à la position de spectateurice.
C’est faux !
Tu défends en effet l'idée que chacun, chacune peut faire, c'est-à-dire créer, participer activement à la marche du monde.
Tu as d’ailleurs écrit un très beau texte sur le sentiment d'illégitimité.
Est-ce que c’est un sujet avec lequel tu t’es pris la tête personnellement ?
Non. Plus le temps passe et plus je réalise que je me pose plein de questions, mais pas les mêmes que la plupart des gens ! Je n’ai pas l’impression d’avoir le même mode d’emploi que beaucoup de personnes, c’est troublant.
La grande question pour moi n'était pas de me sentir légitime mais de comprendre le monde dans lequel je vis. Ça a été une grande chance : comme je ne le comprenais pas, je ne l’ai pas accepté et j’ai pu entrer en dissidence plus facilement.
Mais très sincèrement, je n’ai pas eu ce problème de légitimité. Il me paraît évident que la légitimité est un outil de soumission et de pouvoir. Ça contient les gens. Ça vise à nous maintenir aligné·es. La légitimité c’est l’arme des “gatekeepers”, de celleux qui tiennent la porte.
Je m’en suis affranchie sans trop de difficulté mais c’est un sujet dont je parle car je sais que c’est un facteur bloquant pour les gens.
Pourtant, la légitimité est un faux sujet. Tu imagines, si les premières personnes – on va dire que c’était des femmes – si les premières femmes à avoir peint sur les parois des grottes, durant la Préhistoire; s’étaient soudain interrompues pour se dire “attends attends, je peux pas, je suis pas légitime ?” On n’aurait jamais avancé d’un iota, on n’aurait jamais rien pu créer.
Je crois qu’il faut le dire et le répéter : le sentiment d’illégitimité est un faux problème, utilisé pour nous contraindre. Si on est toustes ensemble et qu’on répète le même message encore et encore, ça va finir par triompher.
Tu utilises souvent la métaphore du “muscle créatif".
Comment on le réveille et on le renforce, ce muscle créatif ? Peut-être que tu pourrais nous dire quelques mots de l’atelier étirement qui vient de commencer ?
Mon expérience, sur tous les sujets de la vie, c’est qu’on naît avec des facilités précises mais qu’on a toustes la possibilité de tout essayer et de tout faire.
Par exemple, moi, je ne suis pas souple. Je ne serai jamais gymnaste olympique, c’est une évidence. En revanche, si je décide d’y consacrer du temps, je peux devenir plus souple, je peux m’amuser dans cette souplesse.
C’est la même chose avec le muscle créatif. Certaines personnes y ont un accès très direct, d’autres ont besoin de plus de travail pour faire émerger leur voix créative mais on a tous et toutes ça en nous. Je sais que je me répète, mais ça me paraît tellement important !
Il faut d’autant plus le dire qu’on sait bien que notre rapport à la créativité va dépendre du milieu duquel on vient, de la famille dans laquelle on a grandi. C’est une question de thunes et de classe sociale bien sûr, mais pas seulement. Certaines familles vont mettre en avant le fait de cultiver sa voix créative, d’autres vont exiger de la faire taire.
Mais tous les enfants du monde ont l’aptitude à s'émerveiller, à rigoler, à tester le monde différemment, à mettre ensemble des choses qui ne vont pas ensemble. Et tous les adultes ont la capacité de se reconnecter avec leur voix créative.
Simplement, ça demande d’y consacrer du temps, comme pour toute chose.
Dans la partie pratique de l’atelier Étirements, qui va commencer bientôt, je propose une séquence créative basée sur mon expérience.
Pour te reconnecter à ta voix créative, selon moi, il faut que tu y passes du temps, que tu prennes des risques, à savoir le risque de l'étirement, et que tu partages le résultat. Pour moi, la créativité suppose de mettre au monde et de sortir de toi quelque chose, pas dans un but productiviste mais pour participer à la conversation, à la co-création du monde. D’ailleurs, la créativité dont je parle n’est pas la créativité des entreprises privées ni la créativité des “créatifs” qui en font leur métier. La créativité dont je parle, dans mes ateliers, c’est une expression de soi en permanence.
Mais avant tout ça, déjà, il faut s’autoriser à entendre son attraction pour quelque chose, à l’écouter, et à la suivre. C’est une énorme étape ! Il faut d’abord lâcher prise sur le fait que ca ne sert à rien, que c’est ridicule. Arrêter de se dire : “j’ai pas l’age”, “j’y arriverai pas”, “ce sera pas rentable”. Il faut repenser la notion de réussite quand il s’agit de faire quelque chose qui sert à rien !
Pour résumer, l’atelier pratique c’est une séance d'étirements.
J’ai créé quatre exercices, pensé pour mettre les participant·es dans une dynamique créative. Rien que s’inscrire à l’atelier, c’est un engagement et une prise de risque : on se contraint à y consacrer du temps, on se met en position de risque dans le fait de s’inscrire, on choisit de faire confiance à quelqu'une que l’on ne connaît pas forcément…
Un point très important, je crois, c’est que pour cet atelier, je crée un serveur discord de chat où les participant·es peuvent discuter entre eux. Disposer d’une communauté de gens qui font la même chose que toi au même moment peut constituer un vrai moteur, à la fois pour présenter son travail et aussi pour se nourrir de l’excitation qui vient de la découverte de ce que les autres ont fait de leur côté.
L’atelier sera toujours disponible en replay aussi mais je recommande de le faire en live pour bénéficier de la dynamique du groupe. Quand on se sent un peu hésitant·e, le groupe, c’est une excellente béquille.
J’accorde moi-même beaucoup d’importance à la créativité et au fait de la cultiver.
Mais il me semble qu’il y a aussi un risque à mettre autant l’accent sur le fait d'être créatif : la société capitaliste et productiviste dans laquelle nous vivons nous incite à traiter notre créativité comme une ressource à exploiter un maximum, quitte à s'épuiser. D’ailleurs, dans un article de 2019, tu parles de ton burnout créatif, de ton épuisement.
Comment éviter cet écueil ? Quel conseil donnerais-tu à une personne qui se sent épuisée, qui n’arrive plus à créer parce qu’elle est sous une pression monstrueuse pour se montrer toujours plus créative ?
Je lui demanderais : pourquoi tu obéis ?
La question est très complexe et je n’ai pas toutes les réponses.
Mais ce que je sais, c’est qu’il faut repenser l'obéissance. Les créatifs en burnout c’est parce qu’ils acceptent le jeu de produire toujours plus en essayant de capitaliser sur leur créativité.
La complexité pour les “créatifs”, c’est qu’ils sont déjà connectés à leur voix créative. D’un certain point de vue, le gros du travail est déjà fait. Mais ce à quoi ils doivent faire attention, c’est de rester épanoui dans leur créativité, de ne pas épuiser leur joie. J’ai d’ailleurs des potes “créatifs” qui se sont inscrits à mon atelier justement parce qu’ils sont dans cette phase-la. Ils ne prennent plus de plaisir à produire. Ils ont besoin de retrouver du sens dans leur créativité.
A mon sens, tu fais un burn out quand tu ne sais plus pourquoi tu fais ce que tu fais. Ce qui veut dire que le fond du sujet, c’est la capacité à donner un sens à sa vie créative.
Bref, ta question relève selon moi du sens de la vie !
Faire juste pour faire, ça ne peut pas rester une motivation sur le long terme. Quand tu es déjà connecté à ta créativité, il faut te demander pourquoi tu fais ça. Il faut être au clair sur ce que tu veux voir dans le monde, ce à quoi tu acceptes de consacrer ton temps.
En ce qui me concerne, je suis à l’aise avec le fait qu’il y a plein de sujets que je ne vais jamais traiter. On est mortel·les. Je n’ai pas un temps infini et il y a certaines choses qui ne sont pas pour moi, ni comme lectrice ni comme créatrice.
C’est en étant claire sur ses limites que l’on peut éviter le burnout créatif.
Est-ce qu’il faut abandonner l’envie d’être utile, d’avoir un impact ?
Il y a un vrai point de tension intéressant entre vouloir avoir de l’impact et faire ce qui nous fait kiffer. Il faut articuler les deux.
Par exemple, à titre personnel, je trouve que faire des films représente un travail et un temps trop importants par rapport au résultat. Pour l’instant, j’ai donc choisi de mettre cette forme-là de création entre parenthèses.
Pour autant, je pense que si tu fais des trucs uniquement pour avoir l’impression que tu es utile, tu ne vas pas être heureux·se.
A mon sens, il faut surtout se sentir en vie, s’amuser, s'émerveiller. Choisir de se surprendre, de se décaler. Ça fait basculer plein de choses.
Je n’ai pas de réponse toute faite. Il faut que, quoiqu'il arrive, tu en sortes vivante.
J’ai lu dans quelques interviews et sur ton site que tu aimes collaborer, créer à plusieurs. En ce moment même, tu es en résidence collective.
Est-ce que tu penses qu’on crée mieux quand on crée en groupe ?
C’est tout simplement ma personnalité. C’est ce qui me rend heureuse, ou disons plus modestement c’est qui me fait me sentir vivante. Je suis une personne introvertie dotée d’une créativité extravertie, j’ai besoin d'être dans l'échange et le groupe pour créer, alors que socialement je suis plutôt réservée.
Mais il y a beaucoup d’autrices de fiction qui sont solo devant leur page et qui font un super boulot.
La façon qu’on a de créer et la qualité de ce que l’on fait ne sont pas liés, d'après moi. On peut créer des choses géniales toute seule et faire de la merde en création collective ! Il n’y a pas de recette toute faite.
Tu mets souvent à l'honneur la notion de circulation : l'idée qu’en partageant des œuvres ou des idées, en les faisant circuler, on contribue à modifier le monde. Alors, si tu en es d’accord, je voudrais bien te piquer cette idée : y a-t-il une œuvre que tu voudrais conseiller aux personnes qui nous lisent, pour contribuer à la faire circuler ?
Je pense à la biographie sur Simone de Beauvoir qui s’appelle Devenir Beauvoir, de Kate Kirkpatrick.
Je n’ai jamais lu de livres écrits par Simone de Beauvoir dont j’ai découvert l’existence vers 23-24 ans, mais je me suis prise de passion pour sa vie qui est riche à tous les niveaux.
Cette biographie de Kirkpatrick se lit comme un roman et, pour une fois, allie le développement de la pensée de De Beauvoir avec sa vie. Autrement dit, elle met en relief ce qui est trop peu souvent mis en avant, particulièrement chez les femmes créatrices d’idées : comment la vie influence la pensée, puis la pensée influence la mise en pratique de la vie.
Au total, je pense que c’est ce que l’on recherche : avoir une conversation entre ses idées, ses envies et sa mise en pratique dans “la vraie vie”.
Cette biographie fait tout cela et Simone de Beauvoir est une figure que je trouve incroyablement inspirante pour vivre jusqu’à la dernière goutte.
Dernière question. Je ne sais pas si tu es au courant, mais cette newsletter s’appelle “le grain”. Alors, dis-moi : le grain, ça t'évoque quoi ?
Tu as piqué cette question à la Poudre ?
Complètement, je plagiarise à fond.
Très bien, très bien !
Alors… ça me fait penser à la graine. Et du coup, assez simplement, à ce cycle naturel : je plante une graine, ça vit, ça meurt et ça recommence.
J’adore cette interprétation. Une newsletter pour planter de petites graines… Qui fleuriront et en sèmeront d’autres à leur tour.
Merci, Nathalie, pour cette belle discussion !
Voilà, c’est déjà fini !
Si la lecture de cette interview vous a donné envie d’en savoir plus sur Nathalie et son travail, vous pouvez aller faire un tour sur son site, par là. Pour ne pas rater les prochaines annonces de Nathalie, le mieux est encore de la suivre sur Instagram : @nathaliesejean.
Concernant l’atelier étirements, toutes les infos se trouvent ici.
La partie pratique de cet atelier a débuté le 6 novembre et les inscriptions sont closes.
Si vous regrettez amèrement de n’avoir pas pu vous inscrire à temps, je vous comprends mais consolez-vous : la partie théorique est toujours disponible en replay et la partie pratique sera disponible dans quelques semaines pour un nouveau cycle.
P.-S. : La newsletter de la semaine prochaine sera un peu différente de d’habitude : elle contient deux annonces qui me tiennent très à cœur. Hâte !
J'ai écrit "illégitimité" par commodité, mais justement on voit que de cette question somme toute oiseuse, l'autrice fait fi, qu'elle l'écarte comme nulle et non avenue....en tout cas non à venir :)
Grâce à Stéphanie Delon et sa newsletter, j'ai découvert Julie Delporte, française qui s'est "exilée" plus loin qu'à Berlin : à Montréal. Je vais mettre mon grain.. de sel: un peu comme Nathalie Sejean elle écrit dans ce beau texte
www.erudit.org/fr/revues/moebius/2018-n158-moebius03933/88668ac.pdf
son sentiment d'illégitimité intellectuelle ou du moins sa position très partielle dans le domaine intellectuel, alors que ce qu'elle dit et analyse témoigne d'une grande intelligence !
" Pendant de longues années, ma promesse d’avoir l’air intelligente m’a embourbée dans une rationalité impraticable. Aujourd’hui, je veux théoriser les affects, mais malgré mon amour pour Sara Ahmed, mon déficit d’attention persiste souvent devant son écriture – comme devant celle de beaucoup d’autres. " [...]
"Je ne veux plus me soucier de sonner comme la femme intellectuelle que je me suis promis d’être."