De tous les qualificatifs qu’on pourrait utiliser pour me décrire, il y a en deux qui sont particulièrement importants à mes yeux et aux vôtres :
A votre avis, lesquels ?
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(ne cherchez pas trop loin)
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(Vous avez deviné ?)
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féministe et autrice.
Pour nombre d’entre vous, c’est d’ailleurs ce qui vous amène à être ici :
votre intérêt pour le féminisme, et votre goût pour la lecture et/ou l’écriture.
Le féminisme et l’écriture sont deux pratiques autour desquelles j’ai assez largement structuré ma vie.
Dans les deux cas, une forme de nécessité.
Le féminisme, parce que je voyais bien que je n’étais pas traitée comme les garçons de mon entourage, et que ça me mettait en rogne qu’on me demande de débarrasser la table pendant que mes frères retournaient à leurs jeux vidéos.
L’écriture, parce que je suis traversée par des émotions trop grandes pour moi (et souvent trop grandes pour les gens qui m’entourent). Le papier, c’est la meilleure façon que j’aie trouvé de les apprivoiser.
Dans les deux cas, une quête de liberté.
Le féminisme, pour sortir des recettes toutes faites et toutes fades de ce qu’est une femme comme il faut. Mener ma vie comme je l’entends, entourée de l’amour et du soutien des femmes qui elles aussi, ont choisi d’arrêter de se raconter des salades.
L’écriture, parce qu’elle permet de s’exprimer sans la contrainte du regard de l’autre et, mot après mot, de se réinventer. J’ai conscience que cette formulation peut paraître hyperbolique, surtout si on la met au regard de la réalité matérielle de mon journal intime d’adolescente (beauuuuuuucoup de paragraphes sur mon acné, pas trop de réflexions philosophiques profondes).
Et pourtant je crois vraiment que c’est ce geste d’écriture tout simple, sans prétention, qui m’a fourni la porte de sortie que je cherchais, sans savoir alors la nommer. A 16 ans les mots “patriarcat”, “anxiété généralisée” ou “hétérosexualité obligatoire” n’avaient pas encore un sens très précis pour moi, mais leur réalité pesait sur ma vie et je tâtonnais confusément pour me dégager de leur étreinte.
Autrice et féministe, donc, autrice féministe même.
Quand j’ai demandé aux lecteurices de ma newsletter, il y a un peu plus d’un an, quelles formations autour de l’écriture vous intéresseraient le plus, vous êtes nombreux·ses à avoir répondu : écrire en féministe.
J’ai beaucoup réfléchi à l’opportunité de vous proposer un atelier ou un programme d’écriture sur ce thème.
L’écriture féministe.
Après tout, vu tout ce que je viens de vous expliquer, je suis plutôt bien placée pour le faire, non ?
En plus, quand on étudie la stratégie d’entreprise, un des premiers trucs qu’on vous apprend, c’est que pour avoir un business qui marche il faut répondre à la demande.
Là, il y a une demande claire. Donc du profit potentiel.
Et comme vous le savez peut-être déjà, je suis dans un moment de vie où je sors du salariat pour vivre de l’écriture et des formations à l’écriture que je propose. Je sais que si je proposais un atelier “Ecrire en féministe”, il se vendrait très bien.
Autant dire que ça m’a titillée.
Et pourtant, je n’ai pas créé et je ne créerai pas d’atelier “Ecrire en féministe”.
Je refuse de proposer un atelier qui prétendrait vous former à l’écriture féministe, car je crois que par définition, celle-ci ne peut pas être bien sagement enclose dans un petit corpus de règles.
J’allais écrire : “surtout pas si c’est moi, Louise Morel, une femme cisgenre blanche, qui les définit”. Mais en fait, non, si je suis honnête, à mes yeux ce n’est même pas ça la question.
Ca dépasse toute considération identitaire.
Le féminisme est une pratique en constante réinvention.
Bien sûr, cette pratique s’appuie sur un très riche réseau de pensée, qui se donne à voir dans des livres, des films, des podcasts, bien sûr le féministe conduit à théoriser des aspects de notre expérience, mais je crois sincèrement qu’on doit résister autant que possible à la tentation de transformer le féminisme lui-même en une sorte de “matière théorique” qu’on pourrait étudier et mettre en application.
Une fois qu’on a dit tout ça, en laissant de côté la prétention prescriptive universelle…
On peut quand même faire circuler des pratiques.
On doit, même.
Je trouve qu’on manque de discours accessibles, hors du champ universitaire, qui proposent des idées concrètes pour faire cheminer sa pratique d’écriture dans une direction féministe, en fiction et non-fiction.
Quand vous cherchez “écriture féministe” sur internet, vous tombez sur pleiiiiin d’articles qui retracent l’histoire du féminisme depuis des centaines d’années, mais pas tellement d’approche plus matérielle de : comment se fabrique une écriture féministe.
Et je pense que c’est intéressant d’ouvrir la discussion là-dessus.
J’entame donc une série d’articles sur ce thème.
Je ne prétends avoir compris ce qu’est “l’écriture féministe™”, mais j’ai envie de vous dire comment je façonne, moi, mon écriture féministe. Vous savez l’importance que j’attache au fait de proposer des outils pratiques, concrets, de ne pas se cantonner aux généralités rassurantes mais floues.
Je vais vous montrer mes petits secrets de fabrication, en fiction et non-fiction.
Il va sans dire que c’est un exercice très vulnérable : montrer le geste d’écriture en train de se faire, c’est aussi vous révéler ses angles morts.
Ce qui est ironique — à la base, ce que j’aime dans l’écriture, c’est en partie le fait que la situation de communication soit “verrouillée”, que je maîtrise beaucoup mieux qu’à l’oral le risque de malentendu.
Mais peut-être que la première caractéristique d’une écriture féministe, pour moi, c’est justement ça :
partager ses difficultés, laisser apparent le travail que demande l’écriture, sortir du mythe de l’artiste à qui tout vient sur le mode de l’évidence.
Exceptionnellement, tous les articles de la série seront accessibles à toustes.
J’ai vraiment envie que ce sujet circule.
Un immense merci aux personnes qui, par leur soutien financier, rendent ce geste possible 💜
Sérieusement, les copain·es. La “gratuité” n’existe pas. Si ces articles vont pouvoir être accessibles à toustes, c’est parce que vous avez choisi me rémunérer. Mon cœur est empli de gratitude façon paillettes-licornes-marshmallows et tout et tout.
A la semaine prochaine !
Atelier très intéressant… Si seulement je vivais en France plutôt qu’à Montréal!
Ça n'était jamais la bonne heure ni le bon jour pour moi les ateliers mais s'pas grave, je suis ravie qu'ils existent et je me suis remise à écrire ! Merci !