Et si vous arrêtiez de faire semblant ?
Audre Lorde et Michel de Montaigne sont d'accord.
Promettez-vous de dire la vérité, l'entière vérité et rien que la vérité ?
A un repas de famille ? Avec vos collègues autour de la machine à café ? Pendant une rupture ? A un entretien d’embauche ?
On vit dans un monde qui valorise très fortement la sincérité - du moins en apparence. On nous enjoint à être authentiques et à faire preuve de “transparence”.
Mais la vérité, c’est qu’un certain degré de mensonge est nécessaire à la vie en société.
D’autant plus que notre monde social est tissé de mille et une normes absurdes et d’un certain nombre d’injonctions paradoxales.
Ces attentes étouffantes pèsent encore plus lourd sur les personnes minorisées : les femmes, les personnes queers, les personnes racisées, les personnes neurodivergentes…
Si vous appartenez à plusieurs de ces groupes, banco : des strates et des strates de normes s’ajoutent jusqu’à vous écraser.
Sois belle mais pas aguichante. Sois gentille mais pas cruche. Sois polie mais pas fausse. Sois intelligente mais pas trop. Critique les gens dans leur dos, mais ne leur parle pas ouvertement de vos problèmes relationnels, car cela les vexera trop.
AU SECOURS.
Pour nous en sortir, on n’a pas d’autre choix que, parfois, jouer le rôle qui est attendu de nous.
On fait semblant…
Jusqu’à connaître chaque ligne du scénario à la perfection.
Le problème, c’est qu’au bout d’un moment, on finit par s’y perdre.
On s'épuise.
On ne sait plus trop qui on est.
On devient cynique ou amer·e.
Michel de Montaigne et Audre Lorde n’ont pas grand-chose en commun : le premier est un philosophe français blanc du XVIème siècle, la seconde, une poétesse noire lesbienne américaine du XXe.
Les deux se retrouvent pourtant sur un point : pour mener une vie digne, il faut commencer par savoir qui l’on est.
Michel de Montaigne : « Il faut jouer dûment notre rôle, mais comme rôle d’un personnage emprunté. Du masque et de l’apparence il ne faut pas faire une essence réelle, ni de l’étranger le propre. Nous ne savons pas distinguer la peau de la chemise. C’est assez de s’enfariner le visage, sans s’enfariner la poitrine. »[1]
Audre Lorde : “If I didn't define myself for myself, I would be crunched into other people's fantasies for me and eaten alive”[2]. (Traduction par mes soins : « Si je ne me définissais pas par moi-même, je serais broyée dans les fantasmes que les autres se font de moi et dévorée vivante »).
Avec Michel et avec Audre, j’affirme à mon tour que, qui que nous soyons, nous avons un besoin vital de nous (re)définir pour nous-mêmes. De savoir où commence le masque. Où finit la chemise.
Mais comment on fait, concrètement, pour renouer avec qui l’on est vraiment ?
Comment on arrête d’être la bonne mère, la lesbienne sympa (surtout pas en colère), l’épouse soutenante, la sœur serviable, l’amie dévouée, quand ces rôles ont fini par constituer l’armature de notre identité ?
Eh bien… On écrit.
L’écriture intime, de soi à soi, permet de tomber le masque.
C’est pour cela qu’elle me paraît aussi importante et aussi fondamentale.
Et ce n’est pas que moi qui le dit : la recherche en psychologie suggère qu’il est très important, pour notre bien-être mental, d’avoir des espaces où s’exprimer avec authenticité, sans se sentir jugé·e ou inadéquat·e[3].
Elle tend aussi à montrer que l’écriture est un outil intéressant pour créer cet espace. L'écriture de soi à soi nous autorise à explorer des problèmes qu’on peine à discuter avec nos proches.
Mieux ! un tas d'études réalisées avec une indéniable rigueur scientifique tendent à montrer que le fait d'écrire, avec authenticité et profondeur, sur ses émotions et ses pensées les plus intimes, peut aider les gens à :
aller moins souvent chez le médecin[4],
mieux dormir[5]
et même à faire baisser leur pression artérielle[6].
Quand j’ai découvert ça, j’ai eu la sensation d’avoir mis la main sur un véritable trésor.
C'était un peu comme si l’univers avait entendu mon rêve le plus cher et le plus secret - soigner les maux de l'humanité avec des mots - et mis une armée de chercheurs à l'œuvre pour contribuer à le réaliser.
Hip hip hip HOURRA !
Mon enthousiasme était électrique.
J’ai acheté à peu près quinze bouquins et je suis devenue intarissable sur ce thème.
Personne n’a échappé à mon laïus d'illuminée.
Passés les premiers instants de scepticisme, mes interlocuteurices ont presque toujours la même réaction. Encore et encore la même question.
“Oui, je crois que ça pourrait me faire du bien de relâcher la pression en écrivant - mais je commence où, exactement ?”
Ou alors :
“J’ai déjà essayé de tenir un journal… et je n’arrive pas à m’y tenir. Je ne sais pas quoi dire, je bloque et pour finir j’abandonne. Tu me conseilles quoi ?”
Et là, je suis bien embêtée.
Parfois, je donne quelques références de livres, en anglais (puisque l’essentiel de la littérature sérieuse et accessible sur ce thème est anglophone), mais je sens que la personne en face a modérément envie d’acheter et de lire trois cents pages dans une langue étrangère pour un truc sans lequel elle a, somme toute, plutôt bien vécu jusque-là.
Je pourrais aussi proposer d’acheter un des cahiers à remplir, proposant tout un tas d’exercices d'écriture introspective, que l’on trouve facilement en ligne et dans les librairies.
Mais il me semble qu’avant de se lancer dans un long carnet de 60 exercices - plus ou moins bien conçus, c’est un autre problème -, il est préférable d’en savoir un peu plus sur la pratique, ses bénéfices et ses limites, ainsi que sur les problèmes qu’on risque de rencontrer.
Quand on est intéressé·e mais pas encore passionné·e (un peu comme vous qui lisez ces lignes ?) je crois qu’on a besoin d’une ressource simple, synthétique et accessible, présentant avec le plus d'honnêteté possible :
ce qu’est l'écriture introspective,
ce que l’on peut en attendre
et comment la pratiquer.
Bref, j’avais besoin d’un guide pratique.
C’est ce que j’ai essayé de créer avec le livret qui sera publié… la semaine prochaine.
OUI, la semaine prochaine, je publie un guide pratique sur l’écriture introspective !
Enfin !
Ce livret représente des mois de travail et je suis vraiment heureuse qu’il sorte bientôt.
J’ai conscience que tout le monde n’a pas l’envie ou les moyens de se payer des ateliers d’écriture introspective, alors j’espère que ce petit guide numérique pas trop cher contribuera à diffuser l’écriture introspective auprès d’un large public. Ecrire pour soi, c’est un outil de bien-être hyper intéressant qui n’est pas du tout assez connu et pris au sérieux dans le contexte français.
En attendant la sortie du livret, voici déjà sa couverture.
Elle a été dessinée par l’illustratrice Clémence Delorme (que j’avais interviewée ici, et dont vous pouvez aller suivre le travail juste là).
Alors, elle vous plait ?
Quant aux détails sur le contenu de ce guide pratique sur l’écriture introspective (j’y ai mis du cœur, vous allez voir) :
Je vous dis tout la semaine prochaine.
P.-S. : Si le sujet vous intéresse, je vous invite fortement à guetter votre boite mail mardi prochain : j’offrirai ce guide à prix réduit pendant un temps très limité (quelques heures !).
Toutes les infos figureront dans mon mail de la semaine prochaine.
Si vous utilisez Gmail, pour que mes prochains messages ne risquent pas de se perdre dans l’onglet Promotions, vous pouvez déplacer cet email dans votre boite de réception principale tout de suite.
P.-P.-S. : au cas où, au contraire, le sujet ne vous intéresse PAS (sniffff), vous pouvez ignorer mes prochains emails, car je vais beaucoup parler d’écriture introspective en général, et du guide en particulier.
[1] Montaigne (1533-1592), Essais, III, chap. 10, « De ménager sa volonté ».
[2] Lorde, Audre (1982). Zami: A New Spelling of My Name. New York: Crossing Press.
[3] Sheldon, K.M., & Kasser, T. (1995) Coherence and congruence: Two aspects of personality integration. Journal of Personality and Social Psychology, 68, 531-543.
[4] Pennebaker, J. W., & Beall, S. K. (1986). Confronting a traumatic event: Toward an understanding of inhibition and disease. Journal of Abnormal Psychology.
[5] Scullin, M. K., Krueger, M. L., Ballard, H. K., Pruett, N., & Bliwise, D. L. (2018). The effects of bedtime writing on difficulty falling asleep: A polysomnographic study comparing to-do lists and completed activity lists. Journal of Experimental Psychology.
[6] McGuire KM, Greenberg MA, Gevirtz R. Autonomic effects of expressive writing in individuals with elevated blood pressure. J Health Psychol. 2005.
[7] Du verbe disquetter : monologuer sur un thème donné avec verve et enthousiasme, en peinant à s’arrêter face à un éventuel désinterêt, même manifeste, de notre interlocuteurice.
Je comprends.
Plein de chouettes nouvelles en tout cas.
Et la couverture du livret et très belle.
Bravo à Clémence.
Merci de ta réponse
Bonne journée
Génial! Me réjouis.
Mais les ateliers vont revenir aussi?