Vendredi dernier, début d’après-midi, je m’ennuie.
Le train que j’ai pris pour rentrer chez moi est arrêté en pleine campagne allemande.
On a du retard — évidemment qu’on a du retard. La Deutsche Bahn ne déçoit jamais :

Alors, pour m’occuper, je vais sur Insta.
Les stories défilent.
Je finis par tomber sur une de mes connaissances, dont le propos me met à cran.
Elle aborde un thème qui me tient à cœur, et je trouve qu’elle a tort.
Pire : je me sens attaquée, moi, personnellement.
Rien qu’en lisant ses mots, mon cœur bat plus vite, ma gorge se noue.
Une colère acide m’envahit.
“Merde, mais j’en peux plus de ces gens qui racontent n’importe quoi !”’. Je suis à deux doigts de poster à mon tour sur le même sujet, pour faire entendre un avis opposé.
Puis j’essaie de me raisonner.
La personne s’exprime de façon tout à fait respectueuse, c’est son droit d’aborder ce thème, par ailleurs je ne la connais pas tellement et je n’ai aucune raison de penser qu’elle cherche à m’attaquer.
Et je sais bien que ces cycles de colères réciproques et stériles, c’est exactement ce dont ces réseaux se nourrissent. Si je réponds, j’entre dans une logique perverse qui ne bénéficie qu’à l’entreprise Meta.
Allez, on se calme et on passe à autre chose.
Mais l’agacement ne part pas aussi facilement.
J’en garde une tension dans les épaules et la sensation d’être sur mes gardes.
Je poste alors un petit message sur Substack, pour me plaindre d’Instagram et demander des conseils :
(l’ironie d’utiliser un réseau social pour se plaindre d’un autre réseau social ne m’échappe pas. On fait comme on peut.)
Très vite, plusieurs personnes me répondent. Merci à elles💜
Tout le monde est d’accord qu’Insta c’est l’angoisse, et tout le monde m’encourage aussi à la désinstaller.
Ces petits messages bienveillants me donnent l’élan dont j’avais besoin. Allez, j’y vais.
Et bim !
En quelques secondes, l’application est désinstallée de mon téléphone.
Ca fait maintenant 4 jours que j’ai désinstallé Insta.
J’aimerais vous dire que ça a tout changé, que je me réveille chaque matin avec un rire cristallin, les cheveux démêlés et une haleine fraîche, que je médite avec joie et que les oiseaux du quartier m’aident à faire mon lit telle Cendrillon, mais…
A ce stade, je suis surtout stupéfaite par trois choses.
La première, c’est la façon dont je continue de chercher l’application sur mon téléphone : sans y penser.
Je prends mon téléphone, je le déverrouille, je me rends sur l’écran où sont regroupées mes applications… et là, il me faut une seconde ou deux pour réaliser ce que je suis en train de faire — à savoir, chercher l’icône d’Instagram.
C’est-à-dire que je réalise que j’ouvrais Instagram par pur réflexe, sans aucune décision consciente de ma part.
C’est troublant, ce degré d’absence à moi-même.
La seconde, c’est la fréquence à laquelle je fais ce geste.
J’entends par là le nombre de fois où j’essaie d’ouvrir cette application sans m’en rendre compte.
Je pensais que j’y allais 5-6 fois par jour.
En fait, si j’en crois le nombre de fois où mon mouvement se retrouve suspendu en plein vol ces derniers jours, c’était plutôt de l’ordre de 30-40. Et je n’en suis pas fière du tout.
La troisième, c’est ma tranquillité d’esprit.
Je ne pensais pas qu’en quelques jours à peine, mes niveaux d’anxiété et de stress pourraient diminuer autant.
Je me doutais que l’effet net serait positif, mais je croyais qu’il serait plus nuancé, que certains aspects me manqueraient…
J’ai suivi des régimes alimentaires par le passé, et j’ai constaté de première main la façon dont la restriction entraînait la surfocalisation sur la nourriture. J’ai pu être véritablement obsédée par l’idée de manger du chocolat.
(Si cet exemple vous parle, je crois que l’infolettre de Zina Mebkhout vous plairait.)
Je m’attendais à un effet similaire avec Insta.
En réalité, pas du tout.
Je n’y pense juste pas.
Je m’en fous, pour être honnête.
Certes, j’ai accès à moins de vidéos mignonnes de chat, mais je passe plus de temps à jouer avec le vrai chat en chair et en os et en ronronnements intenses qui vit chez moi. C’est plutôt cool.
A ce stade, je parie que vous avez une des 3 réactions suivantes :
vous n’avez jamais utilisé Instagram ni aucun autre réseau social du même genre et vous vous dites que ça rend les gens un peu dingues : OUI, on est bien d’accord. Stay away, les ami·es.
vous avez été une utilisatrice intense d’Insta (ou d’un autre réseau social) et vous avez déjà fait ce chemin de désintoxication. Vous me regardez avec tendresse, comme une Jedi expérimentée face à un jeune Padawan plein de fougue.
vous comprenez exactement ce dont je veux parler parce que vous aussi, vous allez beaucoup trop souvent sur Instagram, ça ne vous fait pas de bien, et pourtant vous avez du mal à arrêter.
Vous êtes 1, 2 ou 3 ?
Si vous vous reconnaissez dans le cas n°3, voici ma proposition :
On se détoxe d’Insta ensemble.
Plus précisément : aujourd’hui, juste après avoir lu cette infolettre, vous désinstallez l’appli pour 48H.
Vous ne tergiversez pas, vous ne vous dites pas “mmmmh, je le ferai demain” : vous allez sur votre téléphone et vous dégagez Instagram.
Bien sûr, si votre utilisation d’Insta vous convient profondément et que vous vous sentez totalement serein·e par rapport à ça, loin de moi l’idée de vous forcer.
J’ai juste remarqué que souvent, on entreprend plus facilement quelque chose quand on a conscience que d’autres le font au même moment. Les encouragements d’Amandine m’ont permis de franchir ce pas que j’avais toujours repoussé au lendemain. Et à son tour, elle l’a fait aussi.
Si vous savez que ça vous ferait du bien mais que vous avez du mal à vous lancer, c’est le moment idéal pour profiter d’un élan collectif tout en douceur.
Vous n’avez rien à perdre, tout à gagner : l’application est très facile à réinstaller, vous pourrez y revenir sans problème après 2 petits jours à peine — et vous y aurez accès depuis votre navigateur.
Dans le piiiire des cas, vous aurez fait une expérience intéressante.
Alors, ça vous dit ?
Pour qu’on se serre les coudes et que le collectif ne soit pas qu’une vague idée dans votre esprit :
Après avoir désinstallé l’appli, vous pouvez venir partager votre ressenti sur le chat de la newsletter.
C’est, comme son nom l’indique, un fil de discussion, comme au bon vieux temps des forums de l’Internet mondial.
Il est accessible depuis un navigateur et je l’ai programmé pour que tout le monde puisse y participer, y compris les personnes qui n’ont pas encore souscrit d’abonnement premium.
On est entre nous, loin des trolls qui peuplent le reste d’Internet, et je suis là pour le lire et pour le modérer.
Venez récolter des félicitations bien méritées, puiser des encouragements, ou juste critiquer Mark Zuckerberg et la Big Tech.
(Un de mes hobbies favoris : dire du mal des milliardaires.)
Et si vous êtes dans le cas n°2 (vous vous êtes déjà désintoxée d’Insta), n’hésitez pas à faire vous aussi un tour sur le chat pour encourager les petits poussins que nous sommes. Venez nous raconter comment vous avez fait, et ce que ça vous a apporté.
Allez, on emmerde Mark Zuckerberg toustes ensemble !
Désinstallez Insta si ce n’est pas encore fait, et on se retrouve tout de suite sur le chat pour s’encourager.
Coucou,
Étant par moment encore obligé de l’utiliser pour mon travail d’artiste de musique (je compte un jour ne plus l’utiliser comme Facebook mais je ne suis pas encore ready) j’ai mis en place plusieurs « trucs » sur Instagram même pour pas y rester engluer quand je suis obligé d’y aller.
J’en parle dans cet article : https://open.substack.com/pub/uneviedartiste/p/je-quitte-presque-instagram-2?r=gfg3i&utm_medium=ios
Je fais pas ma pub, je partage vraiment pour la cause.
En résumé : se désabonner de pleins de comptes (qu’on connaît pas qu’on interagit jamais etc en se rappelant qu’un nombre de followers sur un compte insta ça n’est pas du soutien), mettre en sourdines TOUS LES COMPTES (même nos meilleurs potes), demander à discuter sur une autre appli que Instagram pour les MP, poster de meta suite business (moi je peux pas le faire j!y arrive pas), faire des brouillons de storys et de posts le plus souvent qu’on peut, commencer à utiliser d’autres plateformes de promotion en même temps (pour ma part, storys sur whatsapp et youtube + mes newsletters chéries), mettre les minuteurs d’utilisation de l’appli. Après tout ça, le risque c’est de regarder le feed et des vidéos stupides mais c’est moins stressant que les stories. La plupart du temps ce sont les stories qui créent ce stress. Bon courage à tout le monde.
J'avais désinstallé Insta (et cessé de l'utiliser) plusieurs mois quand j'ai constaté que mon fils ainé commençait à devenir accro, pour être cohérente avec mon discours. Je l'ai reinstallé au bout de quelques mois pour me donner la motivation de poursuivre le challenge « Inktober », et je suis retombée dedans aussi sec, alors même que j'avais fait le même constat que toi, qu'au quotidien ça ne me manquait finalement pas. Mais je n'arrive pas à me contenter de dessiner « pour moi », j'ai un fort besoin de reconnaissance, et pour ça, je n'arrive pas à prendre la décision de quitter définitivement la plateforme.