Ça y est, vous êtes là ?
Bon, désolée pour ce titre spammy — et mensonger : point de titties et autres réjouissances dans ce message. J’avoue, j’avoue : je vous ai appâté·e pour vous inciter à lire le mail.
Mais c’est pour la bonne cause, promis.
On est le 31 janvier : une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites s’annonce. Grèves et manifestations se multiplient.
Oui, je veux vous parler de la réforme des retraites.
Or je soupçonne que ce n’est pas le sujet dont vous rêvez de discuter, là tout de suite maintenant. Je me trompe ?
J’ai l’impression qu’on est collectivement lassé·es de devoir se battre pour le droit de partir en retraite à un âge décent.
Et comment ne le serait-on pas ?
Depuis que je suis née, ça fait au moins une demi-douzaine de fois qu’un gouvernement prépare une “réforme des retraites”. Ça fait au moins une demi-douzaine de fois que cette réforme, dont le but déclaré est de rendre le système “soutenable” sur le plan financier, ne s’appuie que sur un seul outil : nous faire travailler plus tard, plus longtemps, plus d'années.
C’est usant.
Le problème, c’est que c’est exactement là-dessus que compte le Gouvernement pour faire passer sa réforme.
Iels l’ont formulé avec une sincérité désarmante : iels attendent tranquillement que le mouvement de contestation s’essouffle, à cause de soucis encore plus pressants et de l’usure du temps.
Je voulais donc profiter de ce petit message hebdomadaire pour raviver la flamme, chez vous et chez moi, et vous dire deux trucs qui me semblent importants.
Le premier, c’est qu’il y a effectivement un gros problème de financement des retraites.
Je trouve que parfois, à gauche, on est tellement occupés à essayer de pas bosser jusqu'à 70 ans qu’on oublie un peu de parler du fond du sujet, à savoir le modèle actuel de financement des retraites.
Or c’est vrai que le système, en l'état, n’est pas soutenable. Je pense sincèrement qu’on n’a rien à gagner à nier ce fait, ou à tenter de l’ignorer. Le système ne fonctionne plus.
C’est la réalité.
Et le statu quo me paraît indéfendable.
Le deuxième truc, c’est que si une réforme est nécessaire, une autre réforme que celle proposée par le Gouvernement est possible.
Le discours dominant donne l’impression qu’on a le choix entre le statu quo (qui ne fonctionne pas) et la reforme du Gouvernement (qui fout la merde). C’est faux !
On peut inventer autre chose que l’allongement indéfini de la durée de cotisation.
On n’est pas obligé·es de réformer dans un sens qui n’arrange que les plus riches : comme une part significative de la population la plus pauvre est déjà décédée à 64 ans, les plus pauvres financeraient les retraites des plus riches si cette réforme était adoptée.
D’autant plus que le projet du Gouvernement ne permettra absolument pas de régler le réel et profond problème de financement des retraites que pose le vieillissement de la population.
Concrètement, si le texte est adopté, on est à peu près certain·es d’avoir exactement la même discussion dans quelques années, en passant cette fois de 64 ans à 66 ou 70 ans.
On le sait très bien, puisque l'âge de la retraite a déjà été repoussé, et qu’on se retrouve quelques années plus tard à le retarder encore davantage.
C’est une solution court-termiste, la voie de la facilité.
Alors quoi faire ?
On pourrait taxer davantage les plus riches (vous savez que je ne les porte pas dans mon cœur), dont le taux d’imposition n’a fait que diminuer ces dernières années.
D'après l’ONG Oxfam, une taxe de 2 % sur la fortune des milliardaires français suffirait à financer le déficit des régimes de retraites.
Dans la même veine, on pourrait imaginer d’augmenter les cotisations retraite sur les plus hauts salaires.
Ou encore, augmenter le montant des cotisations retraite, plutôt que la durée.
Encore une autre solution, proposée par le think tank Terra Nova, dans une note publiée le 22 décembre dernier : un report de l'âge légal à 63 ans, une revalorisation des pensions à un rythme inférieur à l'inflation pour les retraités qui touchent au moins 2 000 euros, et la suppression de certaines exonérations de cotisations accordées aux employeurs.
Je ne dis pas que toutes ces solutions se valent, ou sont super faciles à mettre en œuvre.
Mais je suis sûre qu’on peut trouver d’autres façons de financer nos retraites, si vraiment on s’y met, plutôt que d’allonger à l’infini notre durée de cotisation.
Parce qu’au fond la question n’est pas seulement de partir à la retraite à 62 ou 64 ou 70 ans – même si le débat se cristallise là-dessus et que c’est bien compréhensible, vu le contexte.
La question c’est aussi : quel est le modèle de société que l’on veut créer, avec une population qui vit de plus en plus longtemps ?
Que fait-on de la vieillesse ? A qui décide-t-on qu’il est juste de prélever de l’argent, et à qui choisit-on de le redistribuer ?
Toutes questions de fond que la communication du Gouvernement évite soigneusement, et pour cause : leur réforme est sous-tendue par un modèle de société où tout ce qui compte, c’est de travailler plus et plus longtemps, et où ce sont les plus pauvres qui contribuent pour les plus aisés.
On mérite mieux, franchement.
Alors haut les cœurs, les ami·es ! La victoire est possible.
Mais pas sans lutter.
P.-S. : le collectif Inverti·es contre le capitalisme, en plus de faire les meilleurs visuels gauchistes sur Insta, a rédigé contre la reforme des retraites une chouette tribune, dont j’ai l’honneur d’être signataire. Pour la lire, c’est par ici.
P.-P.-S. : merciiii pour toutes vos réponses au questionnaire sur l’écriture. Si vous l’avez raté, c’est par ici (attention, il ne sera bientôt plus ouvert) :
Le système par répartition est très performant au contraire, quant au déficit annoncé pour dans 40ans, a l'échelle d'une nation c'est normal ! Ce qui nous met dans la m**** d'ailleurs ce n'est pas le système des retraites mais bien l'exonération de participation des entreprises et des riches (que tu mentionnes bien sûr)... Le responsable du COR lui même explique que le système est maîtrisé et de nombreux économistes abondent. Il faut défendre notre système qui se veut une continuation du salaire et non pas un salaire différé. C'est une bataille idéologique certes, mais la gauche n'est pas de mauvaise foi d'un point de vue économique !