Ecrire sur soi : "l’intime devient politique quand il est collectif"
Entretien avec Maaï Youssef et Lucille Dupré, autrices de "Lettres d'hiver, lettres d’été" (éd. Belfond, 2023)
Tout a commencé le 28 mars, quand j’ai reçu un message intrigant et enthousiaste.
« Ça fait tellement de bien de lire ces choses sur les conditions matérielles des artistes.
« C’est un travail qu’on a essayé de faire aussi dans notre livre co-écrit avec Lucille Dupré, Lettres d’hiver, lettres d’été. Écrire la maternité, en interrogeant les liens entre cette question et la maternité et en proposant un dialogue entre une femme bourgeoise et une femme racisée originaire d’un milieu populaire.
« Le chantier est vaste ! »
Je résume :
Un livre écrit à quatre mains ?!
Qui interroge les conditions matérielles d’écriture ??!
Et la maternité ???!
A travers un dialogue entre une femme issue d’un milieu aisé et une femme racisée venant d’un milieu populaire ??????!!!!
Ma curiosité était piquée.
Je suis direct allée me renseigner sur ce livre et…
J’ai été conquise.
C’est un magnifique exercice d’écriture intime. Un récit sorore, honnête et délicat à la fois.
Le livre est difficile à lâcher tant le propos est vrai, touchant et vivant. Je vous le conseille vraiment.
Que vous soyez concerné·e par le sujet de la maternité ou non.
La toile que déploient les lettres que s’envoient Maaï Youssef et Lucille Dupré touche bien d’autres thèmes – dont, bien sûr, l’écriture.
Cerise sur le gâteau : on organise un petit concours tout simple pour vous faire gagner un exemplaire du livre !
Il suffit de commenter ce post en indiquant ce qui, dans le résumé, vous donne le plus envie de découvrir cet ouvrage. Le ou la gagnant.e sera tiré.e au sort demain soir (mercredi).
Un autre exemplaire est à gagner sur Instagram : si vous voulez doubler vos chances, vous savez ce qu’il vous reste à faire :)
Voici donc un entretien avec les deux autrices pour parler de ce livre, de l’écriture, et casser quelques idées reçues.
On a notamment abordé :
Les ressorts sexistes de la gêne à parler de soi ;
L’importance de montrer son travail d’écriture ;
L’utilité de poser un cadre clair autour du rythme d’écriture ;
Les différentes façons de s’organiser concrètement pour écrire.
Et on a fini par démonter deux clichés très fréquents quand on parle de création artistique, qui nuisent fréquemment au travail d’écriture - peut-être au vôtre ?
Depuis quand écrivez-vous ?
Lucille Dupré - J’ai toujours voulu écrire. Dans mes rédactions de primaire, je disais déjà que je voulais être écrivain.
Je suis devenue journaliste, puis scénariste : j’écrivais, sous différentes formes.
J’ai écrit des fictions, mais elles ne trouvaient pas d’éditeur.
Le récit de soi, je pensais ne jamais explorer ça de façon publique ou professionnelle.
Je tenais bien des journaux intimes, mais juste pour moi.
Maaï Youssef – J’ai toujours aimé la littérature, le français… Je faisais partie de ces bons élèves qui aiment écrire. Je ne pensais pas en faire mon métier et en même temps, je n’avais que des idées qui tournaient autour de l’écriture : faire de la recherche, ethnologue, journaliste…
Au même moment où j’ai commencé à faire de la recherche, en 2012-2013, quand je suis partie en Egypte enquêter sur les printemps arabes, une amie a créé pour deux autres amies, dont moi, un atelier d’écriture parce qu’elle voyait qu’on peinait à se lancer. On a été un petit groupe qui se voyait une fois toutes les deux semaines.
A ce moment-là, j’avais très envie de faire de la photo, du dessin, mais je ne trouvais pas ce qui me convenait. Je cherchais un medium artistique et j’ai fini par me rendre compte qu’il était sous mes yeux : l’écriture.
À partir de là, j’ai toujours alterné écriture de fiction et écriture scientifique
J’ai écrit un premier roman pas publié, des nouvelles pas publiées non plus, un peu de poésie et un peu d’écriture académique dans le cadre du doctorat…
Jusqu’à l’entrée en correspondance avec Lucille. J’ai alors exploré le récit de soi, de l’intime.
Dans votre livre, vous abordez en effet, chacune, des sujets très intimes. Comment avez-vous vécu ce travail de dévoilement ?
L.D. - je partais de très loin. Non seulement je n’avais pas envisagé de me lancer dans ce type d’écriture mais en plus, j’avais une énorme carapace vis-à-vis de l’écriture de l’intime.
Je croyais que ce n’était pas de la vraie littérature. Je ne le verbalisais pas comme ça, j’adorais Annie Ernaux, mais au fond de moi j’avais quand même ce mépris-là.
Je pensais que la fiction, c’était la seule vraie littérature.
Puis j’y ai réfléchi. Pourquoi je trouvais ça honteux de me raconter ? Pourquoi je ne voulais pas parler de moi, d’expériences féminines, de la maternité ?
Je suis tombée sur ma misogynie intériorisée. J’avais honte de parler de mon post-partum.
Je suis allée questionner ça : pourquoi tous ces récits dits féminins ne seraient pas de vrais récits ? alors que quand les hommes parlent de leurs chagrins d’amour, c’est un grand récit ?
Et après, si je le fais, pourquoi et comment ?
L’idée, ce n’était pas de parler seulement de moi, mais de faire quelque chose de collectif.
Croiser mon expérience avec celle de Maaï, parler de la maternité avec la non-maternité.
L’intime devient politique quand il est collectif.
On voulait montrer des points communs, des points de dissension. C’est à partir de ça qu’on prend conscience des problèmes politiques et des solutions potentielles.
J’ai eu toute une réflexion sur ce que je cachais, ce que je disais, de mes enfants, de mon conjoint… C’est encore compliqué. J’ai une discussion à avoir avec mon père.
M.Y. – Pour moi, c’était le processus inverse.
J’ai foncé tête baissée dans cette écriture de soi. J’ai vraiment lâché les chevaux en me disant que c’était le meilleur moyen de faire taire certaines résistances. Je suis convaincue d’à quel point l’intime est politique et je racontais les grossesses arrêtées, les fausses couches… C’est un récit encore plus manquant que les autres donc j’avais très envie de le porter.
Tant qu’on était dans l’écriture je n’y pensais pas, j’avançais.
A la sortie du livre, je n’étais pas spécialement angoissée : mes proches connaissent mon histoire.
En ce moment, je suis un peu plus travaillée par cette question. Le livre commence à être lu.
Maintenant qu’on commence à recevoir des commentaires de gens que l’on ne connait pas du tout et qui ne sont pas notre cœur de cible, qui ne sont pas des trentenaires féministes qui parlent la même langue que nous… Dans certains commentaires, il y a des gens qui déforment mes propos ou bien qui ne les ont pas compris.
Je trouve ça difficile parce que je parle de mon histoire à moi, de choses très personnelles. Quand elles sont mal interprétées, mal retranscrites, c’est douloureux.
Il y a une autre dimension que je n’avais pas anticipée : je fais mention d’un viol dont j’ai été victime à l’adolescence. C’est assez anecdotique dans le récit. C’est juste une lettre. Ce n’est pas du tout le thème du livre.
Pourtant, c’est souvent utilisé par les gens qui nous présentent. Lucille est présentée comme la mère de deux enfants et moi, souvent, je suis présentée comme une victime de viol. Ce n’est pas très agréable.
Il y a quelque chose de malsain dans la non-hiérarchie des informations prioritaires, quelque chose de voyeur à mentionner cette information-là précisément.
En effet, c’est très violent…
Vous venez de me dire que vous ne trouviez pas d’éditeur pour vos premiers manuscrits. Comment s’est jouée la publication des Lettres ? Était-ce un enjeu important pour vous d’être publiées ?
M.Y. - je n’arrivais pas à être publiée. J’avais écrit un premier roman, présenté à différentes maisons d’édition. J’ai reçu des réponses type, les mêmes que quand tu candidates à McDonald…
Je m’étais renseignée et j’avais fini par comprendre que les éditeurices étaient frileux avec les personnes jamais publiées et que souvent, ils l’étaient moins quand la personne avait déjà un statut et un public : un blog avec une audience, un·e journaliste un peu connu·e…
Du coup, je me suis dit que le mieux, ce serait d’être lauréate d’une bourse pour gagner en crédit et être plus convaincante. J’ai candidaté à différentes bourses et j’ai été prise fin 2021 pour faire deux mois de résidence avec La Marelle, une asso marseillaise, grâce à laquelle j’ai été accueillie à La Ciotat, à la Villa Deroze.
On nous suggérait de tenir un journal de bord, chaque artiste était invité à partager son processus créatif.
Avec Lucille, ça faisait longtemps qu’on avait envie de retravailler ensemble. L’idée est venue de repartager cet espace de blog, d’autant que je savais que Lucille finissait d’écrire un autre roman.
Dans le cadre de la résidence, des lectures publiques sont organisées. Notre éditrice est venue à la lecture d’entrée de résidence. Ce que j’ai lu l’a intéressée. Elle m’a contactée : elle cherchait des projets de non-fiction. On est donc allées à un rendez-vous, avec Lucille, présenter notre projet.
L.D. - C’est allé assez vite. C’est quelque chose qu’on n’avait pas cherché, on a été contactées – ce qui est assez rare - mais on l’a été parce qu’on était déjà dans le faire.
Si on attend le livre publié comme le Saint Graal sans se montrer ni montrer son travail, ça ne va pas arriver.
Il faut aussi savoir que la particularité des essais, c’est qu’on peut signer un contrat sans avoir fini le manuscrit – c’est différent de la fiction : on doit avoir un manuscrit complet.
Ensuite a démarré le travail avec l’éditrice, qui a été passionnant.
M.Y. - C’était hyper important pour moi d’être publiée. Je n’arrivais pas à me sentir légitime dans l’écriture sans être publiée.
Ce n’était pas ça que je disais ! Mon discours, c’était plutôt : non, toutes les formes sont légitimes, on est écrivain à partir du moment où on écrit.
Et une part de moi pense ça, mais il y a une autre part pour qui c’était vraiment compliqué de ne pas avoir de “vraies publications” en dehors de mes publis scientifiques.
Il y avait aussi un rêve enfantin : voir comment ça marche une maison d’édition, vivre cette aventure-là.
J’avais un peu de mépris pour la forme de l’auto-édition, j’ai honte de le dire. Des amis qui s’auto-éditent m’ont montré à quel point ça peut être beau et pertinent mais, à l‘époque, j’avais besoin de cette reconnaissance officielle.
L.D. - J’avais le même rapport symbolique que Maaï avec l’objet livre.
Ce rapport est validé par toutes les bourses qui demandent d’avoir publié un livre non auto-édité. Toutes les résidences demandent ça. Pour avoir le statut d’auteur, en France, il faut avoir publié un livre dans une maison d’édition.
C’est une réalité, pas seulement du symbole.
M.Y.- D’ailleurs, j’ai un peu triché pour la Marelle. Pour avoir une bourse, il fallait déjà avoir publié.
J’ai mis mes articles scientifiques dans la liste de mes publications, en me disant que s’ils aimaient vraiment le projet, ils pourraient contourner la règle.
Ah, j’adore ce petit contournement amical !
Il y a une réalité matérielle sur le lien entre le statut d’auteurice et la publication, c’est vrai.
Pour continuer sur ce thème des conditions matérielles du statut d’auteurice : arrivez-vous à vivre de votre écriture ?
L.D. - Vivre de l’écriture, c’est compliqué. Même en ayant publié un livre, ce qu’on touche reste très maigre. Il faut vraiment qu’il cartonne pour commencer à en vivre. Dès qu’on a un peu de visibilité, les gens s’imaginent qu’on est riche : pas du tout !
Comme je te disais tout a l’heure, j’ai gagné ma vie d’abord comme journaliste, puis comme scénariste.
Au moment où j’écrivais ce livre j’étais en post-partum, en « congé » maternité et financièrement j’avais touché un héritage. Donc j’avais des sous pour vivre.
On en parle dans le livre et c’était important d’être honnête et claire avec ça. Ecrire, ça prend du temps et de l’argent. Il faut les conditions matérielles pour ça.
M.Y. – C’est la grosse question pour moi, l’enjeu financier.
J’attends la soutenance de ma thèse.
A la fin de la thèse, il y a une sorte de période de latence ou on attend environ 4 ans avant d’avoir un poste à l’université ou au CNRS. Donc il faut faire des post-doc mais c’est très compétitif, il y a beaucoup de candidatures à faire et peu de places.
Dans la voie du doctorat, il n’y a quasiment pas de perspectives d’emploi et j’entre dans la carrière d’écrivaine où il n’y a pas de rémunération non plus.
C’est le casse-tête du moment : quelle est la prochaine équation qui va pouvoir fonctionner ?
J’ai fait des coachings de reconversion ces derniers mois. Pour, l’instant je n’ai pas trouvé ma voie. J’ai un petit rab avec le congé maternité, quelques semaines pour prolonger les recherches et voir comment je retombe sur mes pattes financièrement.
C’est quand même très particulier, ce milieu de l’édition ! Du début à la fin de la chaîne du livre, il y a des gens qui ne gagnent pas d’argent. Mais tout le monde continue de le faire ! Il y a quelque chose d’un peu loufoque là-dedans.
Moi, sans mon compagnon qui gagne bien sa vie, et sans le chômage de ma dernière période d’activité, je ne pourrais pas faire ça.
L.D. - historiquement, l’édition est un milieu très bourgeois et fait d’héritiers.
Si on veut entendre plus de voix en littérature, il faut parler clairement de ces enjeux matériels.
Nous on est en réflexion sur comment monétiser notre livre, écrire pour d’autres, écrire de façon commerciale, aller sur Patreon… On a de multiples pistes de réflexion.
Concrètement, comment vous organisez-vous pour écrire ? Tous les jours, de temps en temps, de longues plages ?
L.D. – Ah, je suis en pleine réflexion là-dessus !
J’essaie de finir un roman. C’est un gros travail de réécriture. Entre la promo du livre, d’autres jobs et surtout mes enfants, j’ai beaucoup de mal à trouver du temps.
Ce qui fonctionne le mieux pour moi, c’est de désacraliser le fait d’avoir des énormes périodes de temps. Consacrer quatre jours pleins à l’écriture, ce serait une orga trop difficile à mettre en place.
C’est la régularité qui fonctionne. Pauline Harmange écrivait, dans une de ses newsletters : l’important c’est toujours de s’y remettre, chaque jour, de ne pas abandonner.
Parfois, le seul moment où je vais réussir à écrire, c’est une demi-heure dans la journée.
Mais j’essaie que ce soit quasiment tous les jours, parce que le plus dur c’est quand j’arrête de m’y mettre sur de longues périodes.
Je fais comme je peux.
M.Y. - Dans une de tes newsletters, tu cites Amélie Charcosset. C’est une amie.
Elle racontait dans sa newsletter qu’elle a testé une nouvelle technique d’écriture : écrire tous les jours entre 9h et 10H. Selon elle, ça a été beaucoup plus efficace que quand elle avait beaucoup de temps.
Moi, je ne fonctionne pas du tout comme ça !
J’ai essayé de travailler le roman le matin, la thèse l’après-midi et je n’y arrivais pas du tout. Il y a des coûts de transaction d’un genre à un autre, c’était trop dur.
Ce qui fonctionne pour moi, c'est de baliser des temps, des parenthèses, ou je fais un truc à fond. Et après je change. Par exemple je vais bosser deux semaines sur ma thèse, une semaine sur le livre, trois semaines sur autre chose… Je n’ai pas forcément besoin de longues plages de temps à chaque séance d’écriture.
C’est un peu l’inverse de Lucille !
Je n’ai pas expérimenté ce système avec la parentalité, dans un quotidien avec un enfant qui va être gardé quatre jours sur cinq et pas toute la journée. Avec un cerveau en post-partum, je ne sais pas ce que ça va donner !
Vous avez écrit votre livre à quatre mains : qu’est-ce que ça change dans le rapport à l’écriture, dans la façon d’écrire ?
L.D. – C’est intéressant, on s’est aperçues que nos vies avaient un fort impact sur nos conditions d’écriture.
On le voit bien dans les lettres d’hiver : je suis en post-partum, mon enfant est très peu gardé et j’ai un temps d’écriture très restreint. Les lettres sont très courtes, parfois morcelées.
Petit à petit, je trouve le temps de prolonger, d’étendre…
Au début, c’était frustrant, je souffrais de ce manque d’espace et de temps.
J’ai fini par trouver ça beau et l’accepter : c’est ça qui a fait la force de ce que l’on a écrit. C’est ça qui fait l’aspect vivant et honnête du livre.
M.Y. – De mon côté, j’ai écrit les lettres les plus longues. J’aime bien être un peu en transe quand j’écris, j’aime ce moment où on est absorbé dans un tunnel. Je pouvais faire de grandes plongées : m’y mettre le matin et arrêter à minuit.
Ça m’a appris à quel point j’aimais bien ces formes d’alternance.
Le fait que ce soit aussi dépendant de la réception des lettres de Lucille, du dispositif mis en place, ça m’a aidée à gagner en rigueur sur la façon dont je travaillais. On a beaucoup communiqué sur nos disponibilités : Lucille avait les contraintes du rythme des enfants et aussi des contraintes en termes de fatigue…
Du coup, moi, j’étais obligée de m’organiser, ça m’invitait à cadrer les choses.
Plus on avançait, mieux on se passait le relais et plus on était efficaces dans les temps impartis.
J’ai été stimulée par la contrainte que ça crée, de dépendre du rythme d’une partenaire.
L.D. – ça nous a permis d’apprendre à respecter nos limites aussi. On a réalisé des interviews avec autrices sur leurs conditions d’écriture à elles. On expérimentait en direct !
On a essayé de proposer une sorte de boite à outils multiple, la plus riche possible.
Quel conseil donneriez-vous à une personne qui veut écrire ?
M.Y. - ce qui me vient spontanément, c’est de casser la croyance que l’écriture est nécessairement une activité solitaire.
Dans mon parcours, les moments où l’expérience d’écriture devenait collective ont toujours été très forts : par exemple avec les ateliers d’écriture, ou bien dans le cas de l’écriture à quatre mains avec Lucille.
Je dirais de ne pas hésiter à aller rencontrer des groupes, des collectifs, des partenaires d’écriture.
Avec une amie, on avait une tradition, qu’on avait intitulée : « le mercredi, on écrit ». C’est une super rime, non ? (rires) On se retrouvait dans la même pièce pour écrire et s’encourager.
L.D. - de manière globale, je dirais qu’il faut désacraliser l’acte d’écriture.
L’écriture n’est pas forcément un acte solitaire, dans lequel on ne se fait pas aider. Par exemple, j’ai écrit à quatre mains avec Maaï mais aussi avec l’éditrice, qui a été motrice de certains axes de réflexion.
Il faut désacraliser la chambre à soi aussi. On écrit quand on peut, on fait avec les aléas de la vie. On fait avec notre conjecture financière.
Aujourd’hui, je ne peux pas écrire, parce que j’ai un bébé qui est malade à la maison et mon compagnon n’est pas là. C’est comme ça !
Il ne faut pas imaginer que pour être écrivain, il faut avoir ce qu’on imagine être « une vie d’écrivain ».
(NDLR : cette excellente remarque de Lucille a trouvé son application directe dans l’interview : son enfant malade l’a interrompue parce qu’il était en PLS et on a continué l’entretien, Lucille le consolant tout en répondant à mes questions. Franchement, respect !)
Cette newsletter s’appelle « Le Grain » : ça vous évoque quoi ?
M.Y. - ça me fait penser à la fertilité. Le grain, la graine… Il y a une chose que j’ai adorée défendre dans notre livre et que je voudrais continuer de défendre. La fertilité créatrice compte toujours autant, quelle que soit la forme. La fertilité biologique, faire des enfants, c’est bien, mais notre fertilité en tant que femme artiste, elle est fondamentale.
Il faut la mettre en valeur, la revendiquer. Il n’y a pas de hiérarchie entre ces différentes fertilités.
Même si la société passe son temps à nous dire que c’est la maternité qui compte, moi, je crois très fort aux autres grains !
L.D. – J’avoue que j’ai plus beaucoup d’espace de cerveau (rires). Très honnêtement, voilà ce qui me vient en tête : j’ai essayé d’expliquer à mon fils le grain et la graine de la pomme. Je lui ai dessiné la graine qui se transforme en pommier. Ça me fait penser à ça !
Merci ! C’était trop bien !
Voilà, c’est déjà fini.
Si cet entretien vous a donné envie de lire leur livre — je suis sûre que oui ! — vous pouvez
1) participer au concours en commentant ce post
2) vous le procurer dans votre librairie de quartier.
Vous ne le regretterez pas ;)
Cet entretien s’inscrit dans une série d’interviews avec des auteurices dont j’admire le travail, pour parler de l’écriture (et de ses conditions matérielles de production et de diffusion).
Vous pouvez retrouver le premier entretien avec Pauline Gonthier, autrice des Oiselles sauvages, juste ici ;
et le second, avec Tal Madesta, auteur de La Fin des monstres (ed. La Déferlante, 2023), par là.
Le but, c’est de vous (nous) donner l’envie et les outils pour commencer, ou poursuivre sur notre lancée.
Parce que je suis vraiment convaincue qu’on a tout intérêt à cesser de faire comme si les livres s’écrivaient et se publiaient tout seuls, par la seule grâce du Génie Littéraire.
Vous aussi ?
Proposition d’écriture introspective
Lucille Dupré raconte : “Je pensais que la fiction, c’était la seule vraie littérature. Puis j’y ai réfléchi. Pourquoi je trouvais ça honteux de me raconter ?”
Ressentez-vous une forme de honte, de gêne ou même d’ennui à écrire sur certains sujets ?
Y a-t-il des thèmes que vous évitez spontanément, que vous vous gardez d’aborder quand vous écrivez ? Lesquels ?
Essayez de les identifier le plus précisément possible. Tentez, si c’est possible, d’établir une généalogie de la honte, de la gêne ou de l’ennui : depuis quand ?
L’objectif n’est pas de se convaincre qu’il faudrait absolument être capable ou avoir envie d’aborder ces sujets. Le but, c’est juste de comprendre où se situe la frontière de ce qui mérite d’être raconté, pour vous, aujourd’hui.
Merci de nous faire découvrir ce livre et ses autrices ! La présentation que tu en fait est alléchante, je crois que ce qui m'intéresse le plus est le dialogue entre deux femmes issues de milieux différents et la résonnance ou non de leur expérience.
Merci pour cette suite d'interviews toutes aussi intéressantes les unes que les autres,
Je souhaite participer au concours car déjà tu recommande le livre, j'ai lu les oiselles sauvage suite à ta newsletter et j'ai beaucoup aimé (et j'avais déjà acheter la fin des monstres) - Donc j'ai confiance en ta recommandation :)
Sinon, le sujet du livre m'intrigue, je connais assez peu le sujet de la maternité et j'aimerais lire ces récits. Egalement, avoir lu une interview, rapproche les autrices de moi (future) lectrice et j'aime bien cette "mise en bouche" et relation qui s'établit avant la lecture.
Merci encore de ta justesse